11 juillet 2017 / Dents de Coste Counier, arête sud
Pourtant, tout avait bien commencé. La montée au chouette petit refuge des Bans (http://bit.ly/2udfuaU) dans ce merveilleux vallon niché au cœur des Écrins, l’accueil toujours aussi sympa du gardien Stéphane Jullien, épaulé par son père, le repas aux saveurs malgaches, le dortoir où se reposer sereinement, la vue, les poules, le chat, les toilettes (!), bref, un petit paradis sans chichis.
Nous avions pris la météo la veille une première fois le matin à Vallouise, puis une deuxième fois le soir au refuge, donnée par radio par le PGHM (http://bit.ly/2sXf8Bn) de Briançon. Résultat, du beau temps annoncé pour le lendemain, hormis quelques possibles averses dans la matinée. Rassurés malgré un ciel pas vraiment dégagé en soirée, nous étions confortés par un guide et son client en partance pour la même course. Nous sommes du reste partis tous ensemble le lendemain vers 5h sous un ciel presque entièrement étoilé pour rejoindre l’attaque de la voie une heure après, soit une cheminée à remonter sur environ 200m pour accéder au début de l’aventure.
Les dents de Coste Counier (http://bit.ly/2udeV16) sont un parcours d’arête classique sur du très bon rocher (hormis la cheminée), très aérien, comprenant de superbes passages d’escalade pure. Un régal de bout en bout. Le guide et son client étaient devant nous et nous les apercevions évoluer de temps à autre. De notre côté, nous tenions l’horaire. Mais ce fut la météo qui tout à coup dérapa, et cela n’était pas prévu au programme des festivités. Après avoir reçu d’inoffensifs grêlons sur le fil de l’arête, un premier coup de tonnerre éclata dans les environs. Je commençai à penser que nous étions peut-être au mauvais endroit au mauvais moment. Ce fut la première fois que je me retrouvai dans cette situation, Olivier ayant déjà enduré orage et bivouac forcé en altitude.
Nous avons pressé le pas mais cela ne fut pas suffisant. Alors que le guide avait anticipé la détérioration de la météo en empruntant des vires raccourcissant d’autant la course, pour s’extraire des difficultés assez rapidement, nous nous sommes retrouvés sur le fil par une pluie battante (heureusement, l’orage avait cessé) et sur un rocher devenu glissant. Après quelques difficultés pour progresser sur un terrain devenu instable, nous sommes finalement parvenus à emprunter une vire menant sous la dernière dent. Nous avions presque achevé la course dans les temps mais il était désormais impossible d’aller plus loin. D’une part nous étions trempés jusqu’à l’os et grelotions sans discontinuer, d’autre part le rocher était devenu une telle patinoire qu’il aurait été suicidaire de tenter de continuer. Nous étions piégés à 3000m d’altitude et transis de froid. Même si la pluie avait cessé, les rafales de vent ne faiblissaient pas. Par chance dans notre situation, la large plateforme sur laquelle nous avions débouché permettait d’avoir le refuge en ligne de mire.
Sachant pertinemment que le gardien, en grand professionnel, surveillait l’ascension, j’ai positionné ma frontale en mode clignotant et fait de grands gestes en sa direction, Olivier tout de rouge vêtu à mes côtés. Nous étions trop éloignés pour apercevoir quiconque mais je savais intérieurement que nous étions visibles de loin. Après environ 90 minutes d’attente à grelotter, le bruit d’un hélicoptère a retenti dans le vallon. Une poignée de secondes plus tard, il nous avait repéré et est venu se positionner au-dessus de nous. Un membre du PGHM est descendu par un treuil, m’a harnaché à celui-ci et je me suis retrouvé dans l’hélico qui m’a ensuite déposé au refuge avant de repartir chercher Olivier. Nous n’avons pas de mots pour dire notre reconnaissance envers ces grands professionnels prêts à risquer leur vie pour sauver celle d’autrui. A la descente de l’appareil, j’ai chaudement remercié l’un des gendarmes resté à terre qui m’a simplement répondu « mais de rien », en me souriant. Nous avons ensuite débriefé la course avec le personnel du refuge afin de comprendre pourquoi nous en étions arrivés là.
La détérioration de la météo a été brutale et totalement inattendue. Nous aurions eu un doute le matin même, jamais nous ne serions partis. Du reste, le guide et son client ont eux aussi tenté et réussi l’aventure in extremis. Nous en avons conclu que notre seule faute fut de n’avoir pas su interpréter le brusque changement de temps sur le terrain avant qu’il ne soit trop tard. Si nous l’avions fait, nous aurions peut-être pu nous échapper par une série de rappels. La morale de l’histoire ? Tu ne sortiras que par beau temps stable, sinon tu t’abstiendras…