18 juillet 2018 / Traversée du Pelvoux
Je considère le Pelvoux comme l’une des plus majestueuses montagnes des Alpes. Esthétique à souhait avec ses 4 pointes renfermant un magnifique plateau glaciaire, voilà plusieurs années que je rêvais d’en effectuer la traversée. Il aura fallu attendre 2018 pour que les conditions soient réunies, sans toutefois que l’aventure ne soit partagée avec Olivier. C’est donc grâce à l’expérience de Yann Romaneix, guide de haute montagne qu’aura lieu la course.

Rendez-vous est donné au refuge du Pelvoux après avoir passé la nuit au chalet alpin de l’Eychauda à Vallouise, répit salutaire pour ne pas à avoir à gravir dans la foulée des 8h de route les quelques 1300 m de dénivelé y conduisant.
Arrivé au refuge dans l’après-midi, je tombe sur Yann et sa femme, tout juste redescendus de la pointe Durand (le second sommet du Pelvoux après la pointe Puiseux) par l’itinéraire historique des Rochers rouges. Yann raconte qu’il y a trouvé de vieux bouts de bois qu’il pense être des restes de l’installation qui avait servi voilà près de deux cents ans à établir l’altitude des sommets environnants… peut-être même par le géographe Adrien Durand en personne ! Rappelons qu’il fut le premier à gravir cette montagne le 30 juillet 1828.
Retour à nos moutons pour justement aller piquer une petite sieste avant de passer à table. Dîner festif et succulent s’il en est, orchestré de main de maître par Damien Haxaire, le gardien des lieux. Après une dernière vérification du matériel et des sacs, nous voilà au lit de bonne heure car le lever est matinal, 3h pétantes. Après un petit déj vite avalé, nous voilà en route pour la traversée qui se révèle être pour débuter une énorme ascension d’environ 1240 m de dénivelé, tout d’abord dans des vires rocheuses et suite de névés, avant de continuer sur le glacier de Sialouze pour finalement entamer la remontée du couloir Coolidge.

Large à sa base avant de s’évaser fortement tout en se redressant, il n’est pas à prendre à la légère. D’ailleurs, une dizaine de jours après notre passage, une cordée d’Italiens dévissera faisant un mort. J’avais comme toujours un peu peur de ma forme mais en définitive je me suis senti finalement à l’aise sur ce type de terrain que j’affectionne particulièrement.
L’arrivée sur le glacier du Pelvoux (aussi appelé des Violettes) est un enchantement. A l’image du passage d’un col où l’on découvre subitement un nouveau versant, l’on débouche sur un univers immaculé gigantesque. Je rêvais de découvrir cet endroit haut perché, sa plénitude, sa splendeur. Les efforts déployés dans le Coolidge sont récompensés par la vue sur les pointes Puiseux et Durand, pas bien compliquées à conquérir l’une comme l’autre.

Nous avons tranquillement pris le chemin de la première sur une pente adoucie pour vite nous retrouver au sommet en compagnie d’un guide et de ses 2 clients. Pause photo, clope (pas pour moi !), bouffe et farniente sur ce majestueux sommet d’où l’on aperçoit quasiment tous les géants des Écrins.
L’extase est toujours de courte durée sur une montagne car il faut préserver du temps et de l’énergie pour la descente. Celle-ci est l’une des plus monstrueuses que j’ai eue à subir. Tout commence gentiment avec la traversée du plateau. Puis le paysage se fait plus tourmenté, le glacier rompt son harmonie en de multiples brisures, crevasses et séracs. Ouvrant la marche, j’ai fini par ne plus trop savoir où passer, un large précipice empêchant de continuer, aucun pont de neige n’étant encore en place à cette époque de l’année.
Nous avons fait demi-tour, remonté cette zone délicate pour finalement trouver un passage bien en amont, avant de longer d’impressionnantes murailles de glace, puis nous en éloigner, retrouver le rocher et effectuer le premier rappel de la descente. Nous avions alors une vue imprenable sur la partie terminale du glacier, composée de gigantesques blocs immobiles (jusqu’à quand ?) à l’image d’une chute d’eau figée. C’est ici qu’il plonge dans le vide pour finir sa vie un peu plus bas.

Nous avons entamé d’autres rappels (Yann me faisant descendre sur un brin de corde) avant de nous retrouver devant la partie la plus délicate de la course, une traversée de quelques centaines de mètres directement sous le glacier. « Je compte sur toi pour ne pas camper ! » m’a t-il prévenu. J’avais de toute manière compris que plus vite nous passerions, plus rapidement nous serions à l’abri.

J’ai donc suivi l’unique trace en tentant de courir, le cœur battant, sans m’arrêter d’un bout à l’autre. Une petite grimpe parachève ce moment un peu angoissant avant une halte bien méritée.
Puis la descente reprend avec un dernier rappel qui nous transporte sur une langue neigeuse proche du fameux névé Pélissier que nous avons pratiqué sur toute sa longueur. Bien moins à l’aise que Yann côté ramasse (l’art de glisser dans la neige tout en restant debout), j’ai tenté d’aller aussi vite que lui soit sur les fesses, soit accroupi. Mal m’en a pris ! En plus du fait d’être lent, mes cuisses ont fini par s’enflammer alors qu’il restait encore un bon bout de descente. J’ai vite compris ce que signifiait « finir sur les rotules » !
Dommage car cela ne m’aura pas permis de profiter pleinement de la dernière partie de la course, un superbe petit chemin tortueux dans un paysage d’un vert incroyable, suivi des célèbres vires d’Ailefroide, la cerise sur le gâteau ! Yann ayant certainement senti que j’étais un peu mal en point (sic), a très bien fait de m’encorder pour cette ultime chevauchée descendante sur un parcours rocheux de toute beauté et où la vigilance s’impose. Arrivé dans la vallée, je me suis traîné le long de la rivière en tentant de faire bonne figure. Heureusement qu’un bon resto nous attendait pour nous (moi en tout cas !) remettre de nos émotions. Un grand merci à Yann de m’avoir fait vivre une course que je rêvais d’effectuer depuis de nombreuses années. La suite au prochain numéro… qui devrait être l’arête nord du Sirac.




