La traversée oubliée…
La traversée oubliée…

La traversée oubliée…

Traversée Pavé – Meije Orientale / 8 juillet 2019

Avec Olivier, nous n’aimons rien d’autre que ces évasions en haute altitude dans un environnement totalement sauvage et hors norme. Cette année, nous envisagions d’effectuer la traversée des Ailefroides ou bien celle du Pavé à la Meije orientale. L’une comme l’autre demandent un certain sens de l’itinéraire, une météo stable, et de bonnes conditions physiques histoire de ne pas exploser l’horaire ! Mais comme dirait l’autre, Tempus fugit irreparabile… Avec le temps passant et nos déboires à la Meije l’an dernier, nous avons décidé de nous octroyer les services d’un guide histoire de profiter pleinement de l’aventure. C’est donc Yann Romaneix qui nous ouvrira le chemin.

Sommet de la Meije Orientale

Yann m’avait déjà guidé l’an dernier dans la traversée du Pelvoux et dans l’ascension de l’arête nord du Sirac, fabuleuse montagne à l’extrémité sud des Écrins. Il a minutieusement préparé la course en téléphonant à des copains guides qui l’avaient déjà faite, a photographié la face, compulsé les topos, afin notamment de trouver le meilleur passage pour accéder à la brèche Casimir Gaspard, par laquelle nous atteindrons l’arête jusqu’au sommet.

Pourquoi n’avoir pas opté pour les Ailefroides ? Certainement à cause de la longueur de la traversée des sommets oriental, central, voire occidental, une sacrée bavante tout de même avec bivouac à la clé, également aussi à cause du rocher pourri dixit plusieurs guides, les manœuvres de corde à n’en plus finir, l’itinéraire enfin, toujours l’itinéraire. Cependant, nous n’avons pas dit que nous ne la ferions pas un jour !

La vallée de la Romanche

Départ sans se presser du charmant refuge de l’Alpe de Villar d’Arène que nous avions rejoints la veille, pour nous enfoncer dans la vallée paradisiaque de la Romanche, sous un ciel mitigé où nous avons sorti et rangé le coupe-vent à plusieurs reprises. Peu à peu, le vert s’est estompé pour laisser place à l’univers minéral. Le dernier tiers du parcours nous fait remonter une ancienne moraine jusqu’à un panneau indiquant un raccourci. Ici, le chemin plonge et fait perdre de précieux mètres. La météo s’étant remise au beau et n’étant pas pressés par le temps, nous avons préféré continuer sur la voie normale qui s’élève peu à peu dans un long détour débouchant au-dessus du refuge du Pavé. Surprise, à cette époque de l’année le lac est toujours plus ou moins pris dans les glaces, le panorama est extraordinaire.

Difficile d’en dire autant du refuge que nous avions déjà visité 8 ans plus tôt. L’histoire veut que le bâtiment flambant neuf fut emporté par une avalanche en 1971. La cabane de chantier en tôle qui avait servi à sa construction est devenue le refuge par défaut. En près de 50 ans, rien n’a changé à part le fait que cette baraque est maintenant un véritable taudis. Il faut donner des coups de pieds dans la porte du dortoir pour parvenir à la fermer, murs et isolation (ouf, ce n’est pas de l’amiante !) sont en état de décomposition avancé, les toilettes extérieures ont perdu leur porte, bref, on se demande bien ce que fait la FFCAM (Fédération française des clubs alpins et de montagne, propriétaire de la ruine) à repousser d’année en année d’urgents travaux ! Fort heureusement, l’accueil y est chaleureux, et Sophie la gardienne et ses aides de camp aux petits soins pour les escaladeurs et alpinistes visiteurs des lieux. Le repas est un festin et le couchage finalement douillet.

120 € le mousqueton Pierre Allain, qui dit mieux !

Cet arrêt au Pavé fut aussi l’occasion de se payer une bonne tranche de rigolade qui contamina le refuge tout entier au moment où Yann voulut faire le point sur notre matériel. Olivier lui montra son équipement (mousquetons, broche à glace, dégaines…) datant de quelques (dizaines d’) années ! Certes tout à fait fonctionnel mais plus au goût du jour ! Une vraie-fausse mise aux enchères donna lieu à un grand moment de détente contagieuse. Pas sûr que nous changions tout l’équipement pour autant !

A l’approche du col du Pavé

Le réveil sonna à 3h00 le lendemain matin avec comme premier objectif le col du Pavé à 3554 m d’altitude. L’accès s’effectue en type rando avec pose des crampons à l’abord du glacier supérieur des Cavales. Le col offre une superbe vue sur la Meije ainsi que sur notre itinéraire à venir, à savoir une remontée en diagonale pour atteindre la brèche Casimir Gaspard. Pilotés par Yann, nous n’avons pas mis longtemps à tracer la route qui nous mena à un court rappel de 8 mètres avant de déboucher plus loin sur les contreforts de l’arête après quelques passages « banzaï ». Puis l’itinéraire continue soit sur le fil, soit en contournant quelques gendarmes, l’ensemble comportant de superbes parties en escalade et notamment un beau dièdre-cheminée. Pas de quoi s’ennuyer ni souffler donc, d’autant que la vue est exceptionnelle. Le doigt de Dieu de la Meije semblait pouvoir être caressé simplement en tendant le bras, tandis que nous évoluions la plupart du temps à corde tendue. Parfois, nous jetions un coup d’œil derrière nous, un père et son fils effectuant la même course. Nous finirons toutefois par les semer avant la fin de l’aventure. Et quelle aventure !

L’accès final au sommet s’achève par un somptueux mais trop court passage en 3-4 avant de déboucher sur l’arête terminale, effilée et esthétique à souhait. Le clou du spectacle dans un environnement incroyable mais bizarrement ignorée par les jeunes générations d’alpinistes/grimpeurs.

Il est vrai qu’au départ du refuge du Pavé sont proposées de très belles escalades, comme le Pic Nord des Cavales ou la Pointe Emma. Cependant, rien à voir avec cette envolée vers des horizons sauvages. Heureux d’être parvenus au sommet en tenant l’horaire, restait maintenant à redescendre jusqu’au refuge de l’Aigle où nous allions passer la nuit. Celle-ci s’effectue normalement dans la neige sans souci notable. Excepté que cette année encore, le réchauffement climatique a modifié du tout au tout le caractère de cette course qui se parcourt de l’Aigle au sommet sans difficulté majeure.

Patinoire de glace à la descente

Le dôme qui d’habitude se redescend aisément, n’était plus que glace vive. Ce qui n’a pas causé de problème dans notre cas puisque Yann nous a mouliné jusqu’à une lunule (ancrage sur glace à partir d’une cordelette) qui a servi de relai, agrémentée d’une broche à glace. En revanche, nombre d’alpinistes partis le lendemain matin ont fait demi-tour, incapables de franchir cette patinoire. Habituellement cotée PD (peu difficile), la voie s’était transformée en course bien plus ardue.

A la différence du refuge du Pavé, l’Aigle est flambant neuf puisque refait en 2014. Un véritable 5 étoiles à 3450 m d’altitude. Yann s’est dépêché de redescendre les près de 1800 m de dénivelé jusqu’au parking du Pont Vieux. Pour notre part, nous envisagions le lendemain d’effectuer la montée au Doigt de Dieu. Hélas, la météo devenant instable, nous avons décidé de faire une grasse matinée (dans la mesure du possible dans un refuge !). Seule une cordée de deux jeunes parvint ce matin là au sommet, en évitant la brouillasse puisque partis de très bonne heure. Nous avons levé le camp pour débuter la longue descente dont j’avais beaucoup entendue parler !

On en voit le bout !

Et c’est vrai qu’elle n’est pas à prendre à la légère. Fort longue, elle passe par une série de vires ( zone plate ou de pente faible au milieu des falaises verticales des montagnes) sécurisées par des câbles, pour se poursuive par la descente de gigantesques névés où l’équipement piolet/crampons est indispensable. Du reste, 15 jours avant notre passage, un alpiniste s’était tué en glissant sur une pente de neige, n’ayant pas mis ses crampons… La pluie battante s’est invitée peu de temps après que nous soyons partis, si bien qu’il fallut redoubler de vigilance au passage des vires rendues très glissantes. Un peu de ramasse un peu plus bas (technique consistant à descendre rapidement un névé face à la pente) puis retour au vert à travers un chemin changeant où la nature explosait de mille feux. Et enfin, la voiture, ou plutôt l’absence de voiture, garée bien plus loin et qu’Olivier partit chercher à pied. Nous n’allions pas tarder à retrouver le cagnard grenoblois, et plus généralement les chaleurs extrêmes de la plaine…

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