Soreiller, Dibona… un petit goût de « reviens-y »
Soreiller, Dibona… un petit goût de « reviens-y »

Soreiller, Dibona… un petit goût de « reviens-y »

3, 4 septembre 2013 / Aiguilles occidentale et centrale du Soreiller, voie du nain et voie normale de l’aiguille Dibona

Après l’ascension de l’aiguille Verte en juin dernier, Olivier et moi-même avions juré de nous retrouver en septembre pour « faire quelque chose » ! Ce quelque chose s’est vite transformé en plusieurs choses, histoire de rentabiliser au maximum un aller-retour dans les Ecrins. Nous nous étions donné deux points de chute : le refuge du Soreiller d’une part, afin d’y enchaîner les arêtes du même nom et l’ascension de l’aiguille Dibona, et le refuge de la Lavey d’autre part, pour tenter l’arête ouest de la Tête des Fétoules, un superbe itinéraire s’achevant à 3459 m d’altitude. Manque de bol, à cause d’une idiote panne de voiture, nous avons finalement décidé de prendre la direction du refuge du Soreiller en laissant pour le moment notre véhicule à son triste sort et en nous doutant déjà que le projet des Fétoules s’avérait fort compromis. Bien nous en a pris ! L’accès à cette haute vallée est proprement magique. L’on commence en effet par s’enfoncer dans un étroit verrou glaciaire avant de s’élever peu à peu et finir par découvrir ce cirque extraordinaire composé d’aiguilles de granit finement sculptées au cours du temps, véritable chef-d’oeuvre de la nature. Image Et ce n’est pas parce qu’on aperçoit la Dibona de loin que le refuge est proche ! Il restait du chemin avant de l’atteindre et de profiter pleinement d’un abri moderne tenu de main de maître par une gardienne sympa et prenant son métier très au sérieux. Pas mal de monde se trouvait là, des alpinistes, escaladeurs et simples randonneurs venus le temps d’une journée profiter de cet incroyable panorama. Olivier voulait absolument tenter la voie Madier (http://www.camptocamp.org/routes/54508/fr/aiguille-dibona-face-s-directe-voie-madier-s), une voie mythique qui s’escalade en remontant une gigantesque fissure bien visible de loin. Nous allions en reparler car, le lendemain, nous avions déjà prévu la traversée des aiguilles centrale et occidentale du Soreiller, une double course apparemment facile et plaisante. Debout de bonne heure donc pour se retrouver de bon matin au départ de l’arête de l’aiguille occidentale. Et, en effet, dès les premiers pas et prises de main, je me suis vite aperçu que cette ascension n’avait non seulement rien de difficile, mais qu’elle était fort agréable. Nous avancions à corde tendue, en prenant soin tout de même de la faire passer du côté opposé au rocher où nous progressions ou bien d’assurer notre avancée par le biais de quelques sangles, au cas où l’un de nous vienne à faire un faux pas. Bref, un véritable régal de bout en bout, que ce soit en escaladant le fil de l’arête ou bien les quelques gendarmes croisés ça et là (Bloc rocheux proéminent en montagne (d’apr. Gautrat 1970). Gendarme est (…) devenu un terme générique désignant un obstacle escarpé et repérable). DSCN2721 Nous avons fini par déboucher sur le seul rappel de la voie, un rappel peu commode puisqu’il s’agissait de s’engouffrer dans une étroite cheminée pour ensuite se réceptionner sur une petite vire qui marquait la fin de la partie occidentale de l’aiguille, avant de remonter à l’assaut de la centrale, offrant une escalade plus soutenue dans un rocher plus compact. Nous cheminions alors en compagnie d’une cordée de 3 personnes qui avait crû bon prendre un raccourci leur faisant éviter ce qui s’avérera la plus belle partie de la voie ! Olivier de son côté s’était mis à escalader un énorme gendarme, étant persuadé, après avoir consulté le topo, que ce cheminement était le bon. Il avait raison ! Nous avons alors basculé sur le versant nord en désescaladant une fine arête qui venait mourir sur une petite vire au bas d’un majestueux dièdre qu’il s’agissait ensuite de remonter. Cette courte partie nous fit changer subitement d’ambiance et je retrouvais l’austérité déjà croisée à Sialouze, le beau temps en plus ! DSCN1090 Le dièdre fut un bonheur à escalader. Il nous mena à une seconde partie tout aussi magnifique, une sorte de cheminée ouverte au-delà de laquelle nous débouchâmes sur la partie terminale de l’arête. Le sommet, vertigineux et « gazeux » comme l’on dit dans le jargon pour exprimer le vide ressenti de tout côté, se profilait à l’horizon. D’ailleurs, Olivier s’y trouvait déjà et m’y attendait en ramenant la corde à lui au fur et à mesure de ma progression. Prodigieux sommet que celui de l’aiguille centrale du Soreiller duquel un somptueux panorama s’offrait à nous, l’aiguille Dibona nous paraissant alors ridiculement petite alors qu’au loin, 800 mètres plus haut, se profilait la gigantesque barre et le dôme des Ecrins. Après une halte bien méritée, nous avons pris le chemin de la descente, en revenant légèrement sur nos pas dans un premier temps, puis en désescaladant l’arête devenant de plus en plus fine. Je menais alors la marche et je finis par ne plus pouvoir avancer tant la progression s’avérait peu assurée, sur du mauvais rocher qui plus est. Nous fîmes alors demi-tour et finîmes par retrouver notre chemin en croisant une cordée qui s’attaquait, elle, à la face menant directement au sommet. Les premier cairns (Pyramide élevée par les alpinistes et les explorateurs comme point de repère ou pour marquer leur passage) firent ensuite leur apparition et le chemin du retour devint alors logique jusqu’au refuge du Soreiller niché sous l’immense et majestueuse aiguille Dibona. DSCN1095 Et déjà il nous fallait penser à ce que nous allions entreprendre le lendemain. Olivier souhaitait toujours accéder au sommet de cette dernière en escaladant en partie la voie Madier tout en contournant sa principale difficulté, à savoir une fissure très exposée, en bifurquant sur la voie Berthet-Boell-Stofer. Après en avoir discuté avec la gardienne du refuge qui nous mit en garde sur le fait que de nombreuses cordées venaient à se perdre dans ce cheminement et que, d’autre part, nous devions penser à être de retour suffisamment tôt de manière à redescendre dans la vallée afin d’emmener la voiture au garage, nous avons finalement changé d’objectif et avons opté pour la voie du nain, plus courte et menant directement au pied de la voie normale de la Dibona. Départ de bonne heure pour cette voie qui était paraît-il bien équipée sur du bon rocher. Nous sommes remontés assez haut le long de l’aiguille et avons facilement trouvé le début de la voie que nous avons eu un peu de mal à atteindre à cause d’un névé bien gênant. DSCN1104 Après une première escalade sans véritable assurance, Olivier attaqua la première longueur à la suite d’une autre cordée qui semblait avoir un peu de mal à progresser. Nous nous sommes vite aperçu que la voie était effectivement bien équipée et que le rocher, fort compact, s’avérait plaisant à gravir. Nous sommes ensuite très rapidement arrivés au passage clé, un surplomb qu’il s’agissait de franchir à tout prix. Olivier, en tête, parvint au relais supérieur après une minutieuse progression. Lorsque j’eus moi-même franchi cette difficulté, je lui tirai mon casque, à défaut de chapeau ! Ce devait être à cet endroit que la cordée qui nous précédait (deux Italiens d’âge mûr), avaient dû également passer du temps. La suite, tout aussi belle, nous mena à un relais où, alors que je prenais pied sur la confortable vire, Olivier me demanda si je ne remarquais rien… Après avoir tourné la tête en tout sens, je découvris un nain de jardin soigneusement posé à l’intérieur d’une cavité rocheuse. Nous étions en face du nain de la voie du même nom ! De retour au refuge, nous parlâmes avec trois autres alpinistes qui avaient gravi cette même voie la veille en passant devant lui sans le voir. Trop concentrés sans doute, ils étaient passé à côté de l’attraction de cette voie ! DSCN2737Après ce clin d’œil bienvenu, nous reprîmes l’ascension, désormais moins marquée, la déclivité du rocher s’adoucissant quelque peu. Nous finîmes par déboucher à la toute fin de l’arête sur laquelle, bien plus haut en amont, j’avais crû bon faire demi-tour la veille. La voie normale de la Dibona nous attendait enfin. Nous nous sommes arrêtés discuter avec les Italiens qui cassaient la croûte après avoir gravi l’aiguille. Comme il n’y avait personne d’engagé sur le fil de cette aérienne arête, nous nous sommes élancés en nous faufilant au préalable sur le bord d’un espèce de col menant à la première longueur de la voie. Progression attentive à chaque instant car peu protégeable en cas de faux pas. Nous avons ensuite enchaîné avec les deux longueurs menant au sommet de l’aiguille. Au fur et à mesure de ma progression, je ressentais le vide de tout côté. Un drôle de sentiment que je n’avais pas vraiment éprouvé auparavant. De plus, je ne pouvais m’empêcher de penser que ces gigantesques blocs de granit assemblés les uns sur les autres tel un château de cartes, finiraient bien un jour ou l’autre par s’écrouler. C’en serait alors terminé de cette somptueuse sculpture finement ciselée au fil du temps pour le plus grand bonheur des rêveurs escaladeurs que nous sommes ! Olivier ne m’accompagna pas ce jour là au sommet (il l’avait déjà gravi) et me laissa la primeur d’y accéder seul pour apprécier l’un de ces trop rares et éphémères moments que sont les arrivées sur le faîte d’une montagne. DSCN1101 Après avoir fait le plein d’images qui deviendraient bien trop rapidement des souvenirs, et avoir fait un bout de film, nous avons entrepris la descente des deux longueurs en rappel. Puis Olivier me laissa progresser en premier le long du col durant lequel je m’efforçais de m’appliquer à disposer des sangles afin de protéger sa propre progression par la suite. Le reste fut un jeu d’enfant que de redescendre au refuge, plier bagage et dévaler le vallon. Bien des fois j’ai tourné la tête pour apercevoir encore et encore ce somptueux site et cette Dibona à nulle autre pareille, bien décidé à y retourner un jour ou l’autre !

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