28 septembre 2021 / Mont Aiguille par la voie de la Tour des Gémeaux

C’est en 1492 que fut gravi le Mont Aiguille pour la première fois sur ordre de Charles VIII. Des légendes faisaient état de lavandières sur une montagne dénommée le mont inaccessible. Jusqu’à ce que Antoine de Ville parvienne au sommet le 26 juin et mette fin aux croyances : les lavandières n’étaient autres que des névés de fin de saison ! La voie empruntée alors n’est pas celle utilisée de nos jour pour parvenir au plateau sommital. L’actuelle utilise les faiblesses de la paroi dans de profondes entailles, si bien qu’avec un peu d’expérience, il est possible de s’en sortir sans trop d’efforts d’escalade. Ce n’est pas la voie que nous avons choisie pour arriver à nos fins, Pierre Lainé, guide de haute montagne, et moi-même. La Tour des Gémeaux est une des voies les plus empruntées tout en suivant elle aussi les faiblesses de la paroi (verticale à souhait !), fissures, dièdres et autres vires bienvenues.
Ses 6 longueurs sont variées, la partie la plus difficile (pour moi !) étant la quatrième longueur, à savoir un court éperon (côté 6a ou 6b selon les topos) permettant d’éviter un surplomb. S’en suit une belle traversée plein gaz avant de prendre pied sur une petite vire. Certainement la plus belle longueur de la voie qui, autrement, se faufile dans des fissures et dièdres agréables à escalader. Bref, certainement l’une des plus chouettes voies pour prendre pied sur la partie basse du plateau.
Le nom du mont Aiguille me fut suggéré par mon compagnon d’alpinisme et de grimpe, Olivier, alors que je cherchais une belle ascension à effectuer cet été. N’ayant pas pu du tout réaliser nos projets de l’année (dont le Grépon-Mer de Glace) pour cause de mauvais temps, je souhaitais tout au moins gravir une belle montagne sans crampons ni piolet ! Sommet mythique, ce calcaire sorti de terre ne peut qu’attirer. J’avais un d’appréhension face à cette cette pierre, ayant principalement escaladé du granit. Pourtant, il faut bien dire qu’elle se prête idéalement aux chaussons des grimpeurs. L’approche fut un enchantement. Arrivés tôt, nous avons suivi le sentier dans une forêt profonde avant de déboucher sur un pierrier fantomatique, le brouillard matinal étant au rendez-vous.
Toute la première moitié de l’ascension s’est effectuée dans des nappes de brume, avant que le soleil ne fasse son travail, et ne laisse entrevoir un paysage de toute beauté de ce Vercors si sauvage. Lors de la dernière longueur, nous avons été observés par l’un des habitants du coin, un papa bouquetin qui surveillait sa progéniture jouant un peu plus loin.

Comment étaient-ils arrivés là ? Tout comme nous, en s’aidant de la faiblesse de la paroi et de ses fissures qui zèbrent cette montagne par endroit. Arrivés à sa hauteur, il s’est mis à siffler et Pierre en a fait autant, ce qui l’a fait déguerpir un peu plus loin. Pas farouches, ils n’ont pas peur de l’homme car ne sont pas chassés.
Nous sommes allés jusqu’au point supérieur du plateau incliné. Sa partie sommitale, un à-pic vertigineux, est érodée au possible et finira un jour par s’écrouler. La vue y est exceptionnelle sur une bonne partie du Vercors, des Alpes et jusqu’aux Ecrins.
Nous avons ensuite pris le chemin du retour par la voie de descente principale, à la différence près que Pierre nous a fait passer par un couloir dérobé (qu’il faut connaître !) évitant ainsi de recevoir d’éventuelles pierres détachées par les bouquetins juste au-dessus de nous. Après une désescalade de couloirs nous sommes arrivés au rappel principal de près de 50m qui nous fait nous enfoncer dans une gorge et où il vaut mieux ne pas avoir le vertige. Il est probable que les premiers ascensionnistes ont emprunté ce passage pour parvenir à leurs fins et respecter l’ordre du roi. le La boucle fut ensuite bouclée et la redescente enchanteresse dans cette forêt où nous avons cueilli des chanterelles (merci Pierre !) qui ont été vite dévorées le soir même avec un peu de crème fraîche !