4 septembre 2014 / arête ouest de la Tête des Fétoules
Après notre retour tard le soir à la frontale (vers 21h) au refuge de la Lavey, nous sommes tombés sur ce commentaire de Frédéric Chevaillot et Jean-René Minelli, auteurs du très beau livre Ecrins – Ascensions choisies (Glénat), à propos de l’arête ouest de la Tête des Fétoules : « Long et classique parcours d’arête, engagé, en beau rocher ; terrain haute montagne aérien avec beaucoup de brèches, gendarmes et traversées, recherche d’itinéraire et manœuvre de corde, 2 rappels. Bref, la totale ».
Olivier et moi nous sommes regardés et avons souri tant on pensait exactement la même chose ! Du reste, cette escalade engagée (http://goo.gl/BzvBQM) fait partie des courses de référence pour les apprentis guides devant remplir leur carnet de courses afin de devenir un jour guide de haute montagne à part entière. Pas tout à fait un parcours loisirs donc, même si nous avons pris un plaisir certain tout au long de cette très belle et variée chevauchée aérienne jusqu’au sommet à 3458 m d’altitude (http://goo.gl/CqMlCz). Disons-le tout de suite, il s’agit à ce jour de ma course la plus « sérieuse » en rocher, à cause notamment de l’impossibilité de faire demi-tour une fois le majestueux dièdre de 60 m escaladé, et du fait qu’il faille donc obligatoirement « sortir » au sommet avant d’entamer une longue descente sur le glacier des Fétoules. Pourtant, je la conseillerai à quiconque cette course, à quiconque souhaite vivre une journée exceptionnelle (avec un guide de préférence), car elle concrétisera un grand moment de haute montagne !
Tout avait donc commencé la veille. Alors que nous musardions (quelle belle vallée que celle de la Lavey…) à l’approche du refuge, nous avons vu débouler derrière puis rapidement devant nous, deux jeunes (nous ne sommes pas vieux !) visiblement pressés d’atteindre la halte pour la nuit.
Parvenus à notre tour au refuge de la Lavey (petit paradis sur Terre…), la conversation s’engage et il s’avère qu’ils vont eux aussi demain escalader cette même arête ouest. De plus, l’un d’eux est apprenti-guide et vient ici dans le but de remplir son fameux carnet. On ouvre les cartes, les topos, réfléchissons à atteindre l’attaque de la paroi sans trop perdre de temps car l’approche est longue, le refuge étant situé dans la vallée à 1797 m, le début de la voie se trouvant plus de 1000 m au-dessus. Le départ est donc fixé à 5 h le lendemain. J’étais loin de penser en quittant le refuge que je n’y remettrais les pieds que 16 h plus-tard, pas mal déshydraté mais pas si crevé que ça au final.
La première partie de l’approche s’est effectuée à la frontale. Nous nous sommes tout d’abord élevés sur un sentier sinueux, puis avons effectué une longue traversée en direction de l’attaque de la voie. Comme la veille, les deux jeunes nous ont rapidement distancés et nous avons fini par perdre de vue la lueur de leurs frontales au loin. Après avoir un peu hésité sur le cheminement et alors que le jour se levait, nous avons remonté d’immenses éboulis en partie constitués de moraine, puis une sorte de couloir en V inversé dans de la caillasse pourrie sur plusieurs dizaines de mètres, avant de parvenir enfin à l’attaque. Il était alors 8 h 30. L’autre cordée était bien visible pas si loin que cela. Nous les avions (presque) rattrapés ! En nous préparant, Olivier a échappé son casque qui s’en est allé se perdre tout au bas du couloir. Pas de quoi annuler la course même s’il valait désormais mieux éviter les chutes de pierres. Le tout début du commencement est plutôt ludique, puisqu’il s’agit de remonter une rampe herbeuse et glissante par endroits. En haut de celle-ci se cache le long dièdre.
Olivier s’y est engagé en premier et je l’ai rapidement perdu de vue. L’attente fut longue. Seule la corde de vie nous reliait l’un à l’autre. Je suis parti à mon tour lorsque celle-ci s’est tendue. Et j’ai découvert le dièdre. Olivier y était engagé bien plus haut. Mes sens de grimpeur se sont aiguisés à la vue de ce passage anguleux qu’il s’agissait de remonter sur environ 60 mètres. Le clou du spectacle était déjà face à moi. La remontée fut malaisée par le fait que le dièdre se resserrait par endroits. Après un relais, Olivier est reparti de plus belle et j’ai bien cru qu’il ne parviendrait pas à passer un passage ardu. Lorsque j’y suis arrivé à mon tour, j’ai vite compris pourquoi : un surplomb et peu de prises rendaient difficile cette partie. Par la suite, ce majestueux dièdre venait buter sur un surplomb rocheux, et la voie continuait vers la gauche en une belle traversée qui concluait merveilleusement cette première partie de l’ascension.
Nous avons alors débouché sur l’arête et avons fini par atteindre la pointe Faune, première étape de cette longue chevauchée sauvage ! Puis ce fut une succession de ressauts, vires, gendarmes à contourner, rappels et rampes jusqu’au carquois, et ensuite jusqu’à la pointe Barbier ; des passages jamais difficiles, certains délicats, souvent aériens et parfois de toute beauté comme le passage précédant la remontée de la vire en direction de la pointe Barbier. Nous avons fini par atteindre le sommet vers 16 h 30 alors que de la brume remontait de la vallée. Nous savions qu’il nous restait maintenant toute la descente pas bien compliquée mais longue, du glacier d’abord, puis de la moraine ensuite, et enfin des pierriers et le long sentier jusqu’à la Lavey pour terminer.
Nous n’étions pas au bout de nos peines même si l’itinéraire semblait évident. Je ne fus pas à l’aise sur le glacier. En cause, une neige molle qui ne tenait pas vraiment sous les crampons et qui collait sous les chaussures. Nous sommes descendus prudemment, avons rejoint la base du glacier pour nous engager dans la suite de la descente, une suite composée d’éboulis de caillasses, roches et rochers en tout genre. Nous avons bien longtemps après aperçu les premiers cairns qui nous ont ramenés sur le chemin de descente déjà emprunté à la montée. Auparavant, Olivier avait pris soin de téléphoner au refuge (http://goo.gl/ZE9BIV) pour annoncer qu’on était vivant (sic) et que nous allions avoir bien besoin d’une soupe en arrivant ! La nuit est alors rapidement tombée et nous avons fini la course à la frontale en nous demandant à quelle heure nous allions arriver… Ce fut finalement aux alentours de 21 h 00. Nous eûmes finalement droit à un repas complet en compagnie d’une bande de randonneurs retraités jouant à la Belote avant de s’embarquer pour une longue randonnée le lendemain matin.
En y repensant après coup, je suis content d’avoir mené à bien cette course, une fois encore grâce à Olivier sans qui tout cela n’aurait pas été possible. Un grand merci très cher guide ! Voilà une belle et longue ballade sur l’un des plus beaux toits des Écrins.