26 septembre 2014 / Olan sommet nord
Pour notre dernière sortie de l’année, Olivier et moi avions très envie d’aller faire un tour dans la partie sud du parc national des Écrins, celle qui s’enfonce profondément dans le massif depuis Saint-Jacques-en-Valgaudemar (http://valgaudemar.free.fr) en suivant la rivière La Séveraise. Une route cul-de-sac qui se termine en beauté dans un cirque exceptionnel d’où émergent quelques géants de l’Oisans (le Sirac, le mont Gioberney, les Rouies, les Bans, etc.). Ce petit paradis sur terre est un point de départ incontournable de randos variées. D’autant plus qu’il est possible de loger au Chalet-Hôtel du Gioberney, un édifice digne de celui du film Shining, fonctionnant grâce à un groupe électrogène, sans couverture réseau et bien entendu fermé l’hiver. Nous sommes partis tôt de Paris en compagnie de deux blablacaristes que nous avons déposés en gare de Grenoble pour continuer seuls en direction de la Chapelle-en-Valgaudemar. Entre-temps, une petite halte chez Flunch s’imposait. Durant celle-ci, je me suis enfilé une énorme plâtrée de pâtes en prévision des 1200 m de dénivelé nous séparant du refuge de l’Olan.
Arrivés sur place, nous avons acheté des chauffes-plats et un briquet chez l’épicier de la Chapelle, un vieux monsieur charmant, en prévision du manque d’électricité au refuge.Puis nous avons pris la direction du parking. Deux personnes d’un certain âge (ou âge certain, c’est comme on veut) étaient en train de se préparer eux aussi en vue de la longue montée. Nous nous souhaitons mutuellement bon courage puis ils ajoutent qu’on les rattrapera certainement, vu la vitesse à laquelle ils comptent avancer. On saura plus-tard que l’homme avait eu un infarctus il y a 10 ans, qu’il s’était empêché de pratiquer sa passion sur les conseils de son cardiologue, qu’il prenait un médicament qui bloquait les battements de son cœur à 60 bpm (est-ce possible ?) et que maintenant, il rattrapait le temps perdu et advienne que pourra !
Bref, les voilà partis puis nous de même quelques temps après. Nous ne mîmes en effet pas bien longtemps à les doubler après avoir, un peu plus bas, presque buté sur un cadavre de sanglier étalé de tout son long sur l’étroit chemin. Fort heureusement, la panse n’avait pas encore percé mais le spectacle n’était tout de même pas beau à voir (pas de photo !). Un raté de la chasse certainement, la bestiole étant venue terminer ses jours au beau milieu du passage des randonneurs, certainement pour se donner en spectacle post mortem. Nous sommes arrivés à destination en fin de journée dans la brume. Il nous fallut attendre la nuit pour voir enfin débouler le couple bien crevé qui avait bien failli bivouaquer à moins de 30 m du refuge. En effet, par temps de brouillard et en pleine nuit, celui-ci est si bien caché, qu’il est facile de passer à côté sans l’apercevoir. Le lendemain matin, alors que les tourtereaux se remettaient encore de leurs émotions dans les bras de Morphée, nous sommes partis vers 7 h 00 en direction de l’attaque de la voie Escarra (http://goo.gl/I3C44i).
La première partie de l’approche fut plutôt plaisante, en direction du pas de l’Olan tout d’abord, puis en remontant des pierriers, et ensuite en prenant pied sur des névés et sur le glacier (du moins ce qu’il en reste). Celui-ci étant bien ouvert avec de larges crevasses, Olivier a dû trouver le bon passage qui nous a permis d’atteindre la paroi rocheuse à un endroit où la rimaye s’avérait facilement franchissable (Large crevasse ouverte profondément sur le pourtour du névé, entre le rocher (ou la glace qui y adhère) et la glace en mouvement. Les chercheurs parvinrent à la rimaye. C’était certainement l’une des plus impressionnantes que l’on pût voir à cette époque de l’année: les deux lèvres étaient distantes de dix mètres. R.Frison–Roche, La Grande Crevasse).
Grimper jusqu’à la brèche Escarra, première partie de l’aventure, ne fut ensuite pas bien compliqué. Il suffisait de suivre une vire ascendante courant sur presque toute sa partie sud (Replat étroit le long d’un escarpement montagneux. Du sommet de la gorge où nous étions maintenant arrivés, une étroite vire contourne le rocher à pic et permet de descendre dans la gorge vertigineuse, à deux cents mètres au-dessus du torrent (Abellio, Pacifiques, 1946, p. 329)) pour ensuite grimper en direction de la dite brèche. Une fois cette dernière atteinte, nous nous sommes retrouvés face à un léger problème : la face nord de l’Olan était déjà bien plâtrée de neige et donc assez délicate à gravir. Cependant, il nous fallait absolument passer par là pour rejoindre le fil de l’arête au-dessus, et qui devait ensuite nous mener jusqu’au sommet. Olivier s’est donc engagé avec beaucoup de précaution et je l’ai suivi. Heureusement, la partie délicate n’était pas bien longue. Nous avons ensuite suivi son fil, jusqu’à un endroit savoureux interdit aux personnes sujettes au vertige.
Ce passage gazeux, comme on dit dans le jargon montagnard, était constitué d’une fine arête sur laquelle il valait mieux progresser à califourchon, avant de remonter sur du bon rocher certes, mais terriblement exposé au vide de toutes parts. Bref, un très beau passage, oh combien aérien et esthétique. Olivier parvint ensuite rapidement au faîte de l’arête, pensant bien être arrivé au sommet. « Il y a une surprise ! » me lança-t-il… En le rejoignant, je compris bien vite que nous n’étions qu’à l’antécime. Le sommet était bien visible, nous pouvions presque le toucher du doigt, mais nous en étions séparés par un replat situé plusieurs mètres en contrebas. En temps normal, nous l’aurions rapidement atteint par une courte désescalade, chose impossible ce jour là à cause de la neige. Nous étions donc bon pour un rappel. Tout se passa bien et, une fois sur le replat, la remontée vers le sommet qui, de l’antécime, nous paraissait longue et compliquée, se révéla en fait étonnamment facile depuis une cheminée et un dièdre.
Quel beau sommet que celui de l’Olan à 3564 m d’altitude. Un sommet en forme d’arête faîtière depuis laquelle la vue est splendide (http://goo.gl/AzgRXM). Après un arrêt bien mérité, il fallait déjà songer à descendre de ce superbe belvédère de l’Oisans. Revenir en arrière ? Scabreux à cause de la neige. Lancer des rappels au beau milieu de la face sud ? Cela s’avérait trop périlleux. Il nous restait une seule solution, poursuivre le fil de l’arête sommitale puis entreprendre une désescalade entre le sommet central et le sommet nord. Cette désescalade sur du mauvais rocher fut malaisée même si le cheminement semblait somme toute logique. Nous avons fini par dénicher un premier rappel puis un second.
Ils nous ont menés dans le couloir de descente enneigé. Le topo affirmait qu’il fallait ensuite bifurquer sur la gauche dans des vires « évidentes » pour ensuite retrouver la grande vire de montée. Plus facile à dire qu’à faire ! Nous doutions énormément, Olivier cherchait le passage en sachant bien qu’il ne fallait pas descendre trop bas, le couloir se terminant par des barres rocheuses. Le temps passait et nous ne trouvions toujours pas la clé de sortie. Allions-nous être obligés de bivouaquer au beau milieu du couloir ? Finalement, quelques temps après, Olivier finit par se déporter sur la gauche et s’aperçut que « ça passait » bien. C’était effectivement évident !
Mais il nous restait du chemin avant de reprendre pied sur le glacier, la traversée de la vire tout d’abord puis deux rappels. Nous mîmes à nouveau pied sur la glace alors que le jour déclinait. Nous savions que nous allions rentrer de nuit et nous nous sommes dépêchés pour au moins atteindre la base du glacier à la lumière du jour. Nous avons ensuite bien vite été obligés d’allumer nos frontales, néanmoins contents de ne pas devoir passer la nuit dans la montagne ! Pendant ce temps, nos deux tourtereaux avaient repris du poil de la bête tout au long de la journée, et observé notre ascension à la jumelle. Très prévenants, ils allumaient par intermittence leurs frontales pour nous montrer la direction du refuge. Qu’ils en soient ici remerciés !
Nous passâmes la porte vers 21h00 puis, après un repas de gala (sic), nous nous sommes couchés avec en ligne de mire le lendemain la cime du Vallon à 3406 m d’altitude, un sommet bien plus « easy » que celui de l’Olan. Le couple de personnes âgées avait lui aussi décidé de s’y attaquer en se levant bien avant nous et en pensant déjà que nous finirions par les rattraper. Chose qui ne manquât pas d’arriver !
Hello Stéphane, merci pour ce très beau récit d’ascension… pour ces magnifique photos ! j’avais en l’occasion de gravir l’Olan il y a une quinzaine d’années… le récit de l’ascension se trouve dans l’un de mes livres… Quel bon et heureux souvenir de montagne ! L’Oisans est un massif singulier et très beau…