Dent Parrachée – Versant sud du col – Descente par la brèche de la Loza / 1er juillet 2020
Le déconfinement nous a fait pousser des ailes ! Dommage que la météo se soit dégradée juste au moment où les Français avaient de nouveau le droit de voyager à plus de 100 km de chez eux. Il aura fallu attendre le 1er juillet pour qu’une plage de 2 jours de beau temps soit au programme pour nous élancer vers la Savoie, dans le parc de la Vanoise que nous chérissons tant. Nous avions comme objectif le refuge de la Dent Parrachée, au-dessus d’Aussois, pour tenter l’ascension de la montagne du même nom qui culmine à près de 3 700 m d’altitude, puis escalader le lendemain les Arêtes du Soleil à la Pointe de Labby.
L’endroit est un petit paradis. La vaste terrasse du refuge offre une vue imprenable sur les 2 lacs de barrage en contrebas auprès desquels nous avions garé notre voiture. Le refuge a été refait récemment, les espaces de couchage sont bien pensés, et la réfection a su conserver son petit air d’antan avec le réemploi d’une partie des anciennes poutres. Le sentier qui y mène est agréable, un petit raccourci nous ayant fait traverser une minuscule cascade avant de poursuivre dans un environnement d’un vert intense. Le coronavirus n’étant jamais bien loin, nous avions tout de même téléphoné pour connaître les mesures à prendre. Le gardien, en poste depuis 36 ans, sacré personnage que nous allions apprendre à découvrir, nous a rétorqués qu’il fallait du bon sens ! Cela dit, tous les refuges de la FFCAM avaient banni les couettes, couvertures et oreillers ainsi que les crocs. Nous avons donc dû porter nos sacs de couchage et chaussons.
Nous avons donc fait connaissance avec le maître des lieux, Franck Buisson, sacré personnage, le cœur sur la main, excellent cuistot et qui plus est joyeux larron. Le premier soir (alors que nous allions nous lever sur les coups de 3 h du matin pour affronter la Parrachée), nous avons eu droit à un show exceptionnel au cours duquel il a mis en scène de truculents souvenirs, dont celui de cette cliente qui souhaitait qu’on lui monte des bouteilles d’oxygène passé les 3 000 m d’altitude !

Bravo également pour son excellent rôti baignant dans un petit vin blanc ! Je lui ai du reste demandé la recette le lendemain qu’il m’a gentiment donnée. Nous n’avons pas oublié non plus le généreux Génépi dont la bouteille a fini ce soir-là à disposition sur les tablées ! Un grand merci donc pour ce chouette moment de vie.
La Parrachée donc. Ou plutôt le Mordor ! Franck Buisson nous avait dit qu’il n’y avait aucun problème, que la voie normale passait bien et que pour la descente, il préférait nous laisser juger s’il valait mieux réemprunter la voie de montée ou bien passer par la brèche de la Loza, à savoir un couloir en neige austère plein Sud exposé aux chutes de pierres lorsque le soleil tape, mais sacré raccourci tout de même. La course étant cotée F (comme… Facile !), nous sommes partis confiants.
La marche d’approche jusqu’au bas du col de la Dent Parrachée ne pose aucun problème. Nous avions fait connaissance la veille sur les Arêtes du Soleil, de Thierry, guide de haute montagne, et de son client. C’est avec eux que nous nous sommes lancés dans l’aventure avant de les dépasser dans la pente de neige inaugurale. Première déconvenue, la neige avait disparu plusieurs dizaines de mètres sous le col. En lieu et place, un terrain abominable constitué d’éboulis, de pierrailles et gadoue qui glissait à chacun de nos pas. Pas vraiment une partie de plaisir sans compter la dépense d’énergie.
Une cordée nous précédait qui nous ouvrait le chemin. Parvenus enfin au col, moi qui pensais que le F de Facile allait enfin se révéler, j’en fus pour mes frais ! Le terrain continuait à être instable et un pas aérien peu protégeable nous attendait pour continuer l’aventure vers la Pointe de la Fournache, étape obligée pour parvenir au sommet.
La suite était constituée d’une pseudo escalade où l’on met un peu les mains au rocher dans un environnement délité rappelant fortement l’Oisans sauvage ! Un court passage en glace a fini par nous convaincre qu’en ce jour du 1er juillet, cette course s’apparentait plutôt à une voie PD (peu difficile) que F. Bref, doté d’un moral à toute épreuve, Olivier et moi n’avons pourtant songé faire demi-tour qu’une fois, n’ayant aucun plaisir à évoluer dans cet environnement pouvant s’avérer dangereux par endroits.
L’approche finale de la Parrachée flirte avec les abîmes lors de la remontée d’une arête en neige avant de basculer sur l’arête sommitale vêtue d’une belle corniche dont il valait mieux ne pas trop s’approcher. L’esthétique sommet s’atteint ensuite facilement. Nous n’étions pas les seuls ce jour là (https://youtu.be/4U93Pb1oA9M) mais déjà nous nous demandions comment nous allions redescendre. Je ne me voyais pas refaire le chemin inverse et passer un temps fou dans ce terrain délité. L’autre solution portait donc le nom de brèche de la Loza dont je me méfiais tout autant, ne souhaitant pas recevoir une callasse sur le casque ! Puis, en abordant les premières pentes, nous avons aperçu un guide et son client s’y diriger. Olivier me poussait à les suivre. Il faut dire qu’entre une belle déclivité facile en neige d’un côté et un terrain pourri de l’autre, la décision a vite été prise !
L’accès à la brèche et la brèche elle-même étaient effectivement tout en neige à travers un cheminement aisé. Il était encore tôt lorsque nous avons débuté la descente du couloir à 40° sans trop de difficulté grâce à d’énormes traces faites par la cordée qui nous précédait. Nous en sommes rapidement sortis puis avons continué dans le vallon de la Fournache.
Le cheminement jusqu’au refuge s’est ensuite déroulé sans encombre et nous étions de retour vers 10 h 30. Quel aurait été l’horaire si nous étions redescendus par la voie de montée, 14 h, 16 h ? Toujours est-il que nous étions les premiers, et avons eu le temps de savourer une bonne omelette, préparer nos sacs pour finalement dire bye bye au gardien sans que nous ayons revu Thierry et son client. Sur le chemin du retour, nous avons aperçu l’hélicoptère du PGHM qui se dirigeait vers la Parrachée. Les jours suivants, nous avons surveillé les sites spécialisés sur Internet pour savoir s’il n’était pas arrivé malheur à l’un ou l’autre. Fort heureusement, aucune mauvaise nouvelle ne fut publiée.
