4 au 7 juillet 2014 / Aiguille de la Bérangère, dômes de Miage
La problématique de la météo continuait à se poser en ce printemps 2014, trois semaines après notre virée dans les Écrins. Bien décidé à vaincre le Mont-Blanc par les Dômes de Miage et l’arête de Bionnassay, Olivier et moi attendions que le temps soit un peu plus clément. Nous avons finalement décidé de partir malgré l’anticyclone aux abonnés absents pour atteindre le refuge des Conscrits le vendredi, journée placée sous le signe des orages et du foehn. Le foehn ? J’en avais entendu parler comme tout le monde : un vent fort, sec et chaud des Alpes. J’allais l’expérimenter !
Tout se passa bien jusqu’au refuge de Tré la Tête à 1970 m d’altitude. Nous avons fait une petite pause sandwich alors que le vent soufflait déjà fort. Il nous restait 630 m de dénivelé pour atteindre les Conscrits, refuge situé sur un balcon au-dessus du glacier de Tré la Tête. Nous n’avons pas tout de suite compris pourquoi certaines personnes redescendaient pliées en deux ou semblaient avoir mal aux jambes. Il n’en était rien. Le vent soufflait si fort juste au-dessus de nos têtes (nous avions trouvé un coin abrité pour déguster nos sandwiches) qu’elles étaient solidement tenues par leurs amis afin de ne pas être déstabilisées. Dès notre départ sur la première partie du chemin, l’agression fut terrible, à grands coups de rafales dont j’avais du mal à résister. D’autant que le tracé n’a pas tardé à s’élever sur une crête.
A chacune des rafales, nous étions forcés de nous arrêter en nous pliant en deux afin de consolider nos appuis. Certaines rafales devaient avoisiner les 100 km/h. J’avais du mal à reprendre mon souffle et nos coupes-vents ne coupaient rien de rien. Nous reprenions notre progression dès que nous sentions que le vent faiblissait avant de nous immobiliser à l’approche de la prochaine rafale. A ce rythme là, je doutais fort de pouvoir arriver à bon port. Puis le cheminement s’est modifié, se poursuivant en balcon sur les hauteurs de la montagne au-dessus du glacier que nous remontions à bonne altitude. De fait, le vent avait moins de prise et nous pûmes avancer plus rapidement. Le chemin filait parfois à travers des à pics tout en étant sécurisé par des cordelettes auxquelles il valait mieux s’accrocher, bref, un itinéraire de haute montagne comme l’annonçait le panneau au départ du sentier, afin de mettre en garde les mal chaussés et les inconscients !
Nous avons fini par arriver au refuge des Conscrits, après avoir traversé l’impressionnante passerelle suspendue construite en 2012 suite au recul du glacier (http://goo.gl/HdU6Eb). Après un grand bol de thé, nous sommes allés piquer un petit roupillon dans une douillette petite chambre pour nous tout seul. Le vent continuait son travail de sape à l’extérieur, sorte de soufflerie géante et continue qui m’empêcha de fermer tout à fait l’œil. Mais nous devions nous reposer car la journée du lendemain, bien qu’incertaine à cause du temps, devait nous emmener jusqu’au refuge Durier, bien au-delà des dômes de Miage. Le dîner fut, comme toujours dans les refuges… aux petits oignons ! Lever de bonne heure comme d’habitude et premiers pas en direction de l’aiguille de la Bérangère sous un ciel mi-figue mi-raisin mais sans plus aucun foehn. L’accès à ce premier sommet est en réalité très facile, seule la dernière pente en mixte (neige et rochers) pouvant poser quelques menus problèmes.
Du haut de ce beau belvédère, nous apercevions la vallée des Contamines et ses maisons de poupée, le vert marquant une opposition frontale avec les aiguilles et le glacier de Tré la Tête. Nous remarquions aussi que le ciel se couvrait de plus en plus et que la neige molle (il n’y avait pas eu de regel cette nuit-là) ralentissait notre progression. D’autant que le chemin était encore long puisqu’il nous fallait redescendre jusqu’au col de la Bérangère pour ensuite remonter le premier dôme, les enchaîner puis enfin plonger vers le refuge Durier. Autant dire que nous n’étions pas au bout de nos peines ! La progression jusqu’au col fut minutieuse, quelques passages en arête sur de la mauvaise neige demandant à Olivier de poser un friend (http://goo.gl/CQ99I3) et une sangle afin de nous assurer lui et moi. Lorsque nous sommes arrivés au col, le ciel était devenu de plus en plus menaçant.
Pire, du brouillard remontait maintenant de la vallée nous empêchant par moment d’apercevoir la suite de l’itinéraire. Dans le doute, nous avons appelé le PGHM de Chamonix (http://goo.gl/tKovhK) pour connaître la dernière évolution météo qui… n’évoluait pas. Cependant, le temps étant tellement chargé et la neige si « pourrie » que nous avons préféré faire demi-tour et du coup remettre à plus-tard notre virée au Mont-Blanc. Nous sommes donc remontés au sommet de l’aiguille de la Bérangère puis redescendus au refuge où nous avons décidé de rester une seconde nuit, la journée du dimanche s’annonçant ensoleillée. Au moins j’allais fouler des crampons les dômes de Miage ! Lever comme d’habitude de bonne heure le lendemain matin pour nous apercevoir que le ciel était dégagé et donc prometteur d’une course réussie.
A 4 heures du matin, c’était l’effervescence au refuge, plusieurs dizaines de personnes souhaitant se rendre aux dômes. Nous sommes partis au milieu d’une foule bigarrée (des guides avec leurs clients concentrés, des groupes, quelques m’as-tu-vu exposant fièrement leur appareil de recherche de victime d’avalanche là où il n’y en avait absolument pas besoin) et avons dépassé pas mal de monde lors de la lente remontée du glacier. La neige était celle que nous avions connue l’an passée à Bellecôte, durcie par le regel nocturne, véritable régal pour la progression. Après avoir harnaché nos crampons un peu plus haut, nous sommes parvenus parmi les premiers au col des dômes.
Le vent y soufflait fort et le spectacle y déjà extraordinaire, la vallée des Contamines étant bien visible tout en bas. Nous avons entamé la raide montée vers le sommet central des dômes (http://goo.gl/bhVl8V) que nous avons atteint en compagnie de deux autres alpinistes. J’étais sur les dômes de Miage ! Le cheminement était bien visible, sorte de dune de neige effilée majestueuse et immaculée. Et nous voilà partis chevauchant cette splendeur de la nature oh combien esthétique et dont « on ne se lasse pas » selon les mots d’Olivier. Il fallait tout de même faire attention où mettre les pieds, certains passages aériens interdisant tout faux pas. Mais quel bonheur, quelle ivresse que cet endroit ! Nous finîmes par arriver au sommet ouest (http://goo.gl/PzU9LY) et déjà la longue descente nous attendait, d’abord sur le fil de l’arête en neige, puis en nous dirigeant vers le col de la Bérangère où nous étions déjà passé la veille.
La neige n’avait plus rien à voir avec la journée précédente, plus compacte, plus saine. De plus, les alpinistes qui nous précédaient avaient fait la trace, si bien que nous sommes tranquillement arrivés au col puis au sommet de la Bérangère (pour la troisième fois en deux jours !) sans mettre un seul point d’assurage. Nous ne nous sommes pas attardés puisque nous avions comme objectif de redescendre rapidement dans la vallée pour mettre le cap sur Paris en fin de journée. Tout s’est bien passé jusqu’au refuge des Conscrits, nous glissions sur les névés, parfois en « ramasse », parfois en courant. Ce fut ensuite une autre paire de manches…
Le chemin de haute montagne n’en finissait pas de s’allonger sous nos pas et nous n’en voyions pas la fin. Arrivés au refuge de Tré la Tête, nous avons soufflé quelques minutes avant de poursuivre la descente infernale. Que de dénivelé négatif, environ 2400 m, soit l’équivalent de huit Tour Eiffel sur un sentier parfois abrupt, parfois plus serein. Cela dit, nous l’avions voulu ! Et évidemment, ma tendinite qui s’était calmée a ressurgi lorsque nous sommes arrivés au parking. Moi qui pensais qu’elle n’était plus qu’un mauvais souvenir, j’allais devoir à nouveau sortir l’argile et la Gaulthérie pour en venir à nouveau à bout.
Finalement, nous avons décidé de marquer une pause en couchant à Demi-Quartier pour ne repartir que le lendemain. Arrivés à la mi-journée à l’appart, nous nous sommes refaits une beauté et une santé avec une bonne salade puis avons filé sur les hauteurs des Houches où nous attendaient Michel Bordet (http://goo.gl/5KzKe0) et sa femme qui nous avaient gentiment conviés à prendre l’apéritif. C’est avec lui qu’Olivier a réalisé des voies d’envergure comme la traversée des Drus (http://goo.gl/V7iTwl) et la pointe de l’Innominatta (http://goo.gl/hDJnDC), avec lui qu’il a partagé des expériences fortes. Nous avons passé un très bon moment en leur compagnie dans un chalet cosy meublé et décoré avec goût et à la vue imprenable.
Nous voulions également savoir si Michel accepterait de nous emmener au Grépon-Mer de Glace (ou ailleurs !), une ascension mythique de 8 h à 10 h (http://goo.gl/ECKdYi) sur un dénivelé de 1000 m à l’itinéraire approximatif et donc où l’expérience d’un guide de haute montagne est irremplaçable. Nous avons convenu de reprendre contact fin août pour envisager cette belle et ample course de rocher. D’ici là, ma tendinite DOIT être guérie ! Le retour sur Paris s’est ensuite effectué sans encombres. Nous avions charge d’âme grâce à Blablacar car nous avons transporté un couple dont la femme était enceinte (Koumba !). Retour vers la ville et la pollution mais avec pleins de nouveaux projets dans les têtes !