Rochefort-Géant, le duo gagnant
Rochefort-Géant, le duo gagnant

Rochefort-Géant, le duo gagnant

26 juillet 2016 / Dent du Géant, arêtes de Rochefort

Une fois n’est pas coutume, c’est non pas en compagnie d’Olivier mais grâce à Gilles Fleury, guide indépendant de Chamonix (http://www.guide-cham.com), vieux loup des montagnes, que j’ai pu réaliser l’une des courses mythiques du massif du Mont Blanc. Une course qui m’attirait depuis des années, cette dent du Géant (http://goo.gl/8XY7iS) qui culmine à plus de 4000 mètres faisant office de puissant aimant ! Il faut dire qu’elle se voit de loin, de l’ensemble du massif dès lors qu’on grimpe un peu en altitude. Elle a de la gueule cette dent !

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Et en plus, elle n’est pas si difficile à gravir, grâce aux grosses cordes fixes installées à demeure pour faciliter la grimpe. A chacun de les utiliser ou pas, toujours est-il que certains points clé sont délicats à franchir sans elles. Bref, nous voilà donc la veille au refuge Torino, côté italien du massif, devant, évidemment, des pâtes bolognaises cuites al dente comme il se doit ! Nous avons auparavant pris le tout nouveau téléphérique inauguré depuis peu et dont la particularité est de tourner lentement sur lui-même afin que le public puisse découvrir une vue à 360° lors de la montée. Et quelle vue ! À commencer par l’arête Sud de l’aiguille Noire de Peuterey, course de longue haleine, notée TD, et dont Olivier me vante les mérites depuis toujours. Pas sûr que je m’y frotte un jour.

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Retour au refuge où, après les pâtes, vinrent les excellents morceaux de porc au riz dont je ne ratais pas une miette, histoire d’engranger un maximum d’énergie pour le lendemain. Au lit à 8 heures pour un réveil à 4 heures. Le problème étant que, avec tout ce que j’avais ingurgité, impossible de dormir ! Et puis de toute façon, comment se reposer sereinement à la veille d’une course comme celle-ci ? Au beau milieu de la nuit, quelqu’un m’appelle et me réveille tout à fait. Il est 2 heures du matin. C’est Gilles qui me dit qu’il vaut mieux partir plus tôt pour éviter la quinzaine de cordées attendues ce jour à la dent. Finalement en forme et pas fatigué, j’ingurgite un petit déj plus que matinal puis nous voilà partis tous les deux en compagnie de quelques rares autres cordées. Nous commençons par traverser l’immensité glaciaire à la seule lueur de la lune après avoir éteint nos frontales. Moment magique et fugitif sous un ciel étoilé où les Pléiades semblent guider nos pas.

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La pente s’accentue peu à peu jusqu’à apercevoir le raide couloir en neige que nous allons remonter par la suite. Nous laissons là les bâtons puis entamons l’ascension, d’abord sur rochers puis ensuite sur neige. Ce passage me rappelle la première partie du couloir Whymper à l’aiguille Verte. Peu après la sortie du couloir, nous retirons les crampons pour poursuivre dans un terrain rocheux délité. C’est entre autre ici que Gilles est très fort : sa connaissance de l’approche à nul autre pareil nous fera dépasser les autres cordées, certaines, topos en main, tentant de décrypter l’accès vers le bon passage. Rechaussage des crampons pour la partie finale qui nous mène à la salle à manger, sorte de vaste étendue neigeuse avec d’un côté le départ de l’ascension de la dent et de l’autre le début des arêtes de Rochefort, véritable chef d’œuvre de la nature.

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Gille me laisse le choix en me faisant comprendre que débuter par la dent nous permettra d’éviter les cordées parties plus tard. « OK allons-y » lui dis-je. L’endroit où débute la voie normale a subi un éboulement, si bien qu’il faut au préalable se hisser au moyen de cordes pour accéder à la première longueur de la voie. Avec un cheminement tout de suite aérien sur du bon rocher, ces premières longueurs sont un délice ! Le plaisir est renforcé à la vue des fameuses dalles Burgener, du nom d’Alexandre Burgener qui s’y cassa les dents en compagnie d’Albert F. Mummery en 1880.

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Compactes et uniquement constituées de larges fissures et d’écailles, il est effectivement possible de se passer de ces cordes. Oui mais elles sont là et vous tendent la main ! J’ai un peu grimpé sans elles bien qu’elles soient une aide appréciable, spécialement à la toute fin des dalles où il s’agit de remonter un dièdre sans prises franches. La fin de l’ascension est de toute beauté, de l’antécime jusqu’à la pointe Graham où trône une statue de la vierge. « Avec tous les coups de foudre qu’elle s’est prise, cela m’étonnerait qu’elle soit vierge », me lance en riant Gilles ! Sommet parfait, ni trop étroit ni trop spacieux, juste ce qu’il faut à deux personnes pour se reposer et admirer la vue majestueuse (ma vidéo du sommet de la dent du Géant ici : https://goo.gl/hdFRWo).

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De ce promontoire à 4013 mètres, nous apercevions les cordées-fourmis à l’attaque de cet imposant donjon. Nous avons bien fait d’entamer cette double course par la dent car nous l’avons gravie seuls, « peinards » comme dira Gilles plus-tard, ce qui est un rare privilège tant cette ascension est courue. Puis ce fut déjà le temps de la descente, par le biais de 6 rappels de 30 mètres environ, afin de nous retrouver à la salle à manger où… nous avons un peu cassé la croute avant d’entamer la seconde partie de l’aventure, celles des arêtes.

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Ces dernières mènent à l’aiguille de Rochefort (http://goo.gl/lZXFB6) que nous n’avons pas gravie car encombrée d’alpinistes sur du mauvais rocher. La preuve, le son d’un éboulement lorsque nous y étions sans toutefois mettre en danger les cordées présentes ce jour-là. Parcourir les arêtes consiste en un aller-retour presque jusqu’au pied de l’aiguille. La beauté des lieux est à couper le souffle (déjà raréfié à cette altitude !). L’arête en neige est finement sculptée et propose un parcours en forme de montagnes russes immobiles au-dessus d’à-pics vertigineux. Deux passages méritent une attention soutenue dont quelques mètres en glace sur une forte mais courte pente.

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Chaque pas nous éloigne un peu plus de la dent du Géant qui ne cesse alors de prendre de l’ampleur. Arrivés au dernier promontoire avant l’attaque de l’aiguille, nous faisons une halte puis entamons le retour. Si nous poursuivions ce cheminement, nous finirions par arriver au col des Jorasses, et plus loin encore au sommet des différentes pointes des Jorasses. La partie en glace me paraît plus facile à la remontée qu’à la descente. Au-dessus de nous, une cordée peu à l’aise sur ce type de terrain, m’envoie des blocs de glace tandis que Gilles leur crie de s’éloigner de la partie rocheuse. Je profite au maximum du retour, bien conscient que je n’y reviendrai pas de si tôt ! Puis nous voilà déjà à la salle à manger en bonne compagnie. Les cordées-fourmis ont atteint la dent et il y en a partout ! Je suis bien content que Gilles m’ait finalement tiré du lit à 2 heures et non pas 4. La descente s’effectue rapidement grâce une fois de plus à son savoir-naviguer dans cet environnement hautement instable et paumatoire. De retour au refuge de Torino, on fête cela avec un petit remontant puis descente express 2070 mètres plus bas, le plein d’images en tête et avec la ferme intention de faire à nouveau appel à Gilles l’an prochain pour une autre course de toute beauté : l’arête Forbes au Chardonnet.

 

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