5 juin : Pic de neige Cordier : brèche de la plate des Agneaux
6 juin : Tête de Rame ou Tête des Chétives
La météo de 2024 aura été pluvieuse à souhait et neigeuse en montagne. Jusqu’à la catastrophe (heureusement sans faire de victime) de la Bérarde le 21 juin provoquée par des crues torrentielles qui auront emporté une partie du hameau. Nous savions que les accumulations de neige en haute montagne étaient impressionnantes. En préparant notre énième virée dans les Ecrins, et plus particulièrement à Pic de neige Cordier, nous avions remarqué que le col Emile Pic qui permet de basculer sur le glacier Blanc, était surmonté d’une gigantesque corniche de plusieurs mètres de haut. Nous avions téléphoné au gardien du refuge du glacier Blanc pour savoir si « ça passait », et celui-ci nous avait répondu qu’un couple de skieurs avait dû passer « ailleurs ». Ailleurs certes mais où ? Etant donné qu’il n’y a pas vraiment d’autres passages à moins d’effectuer un énorme détour, nous n’étions pas plus avancés. Pourtant, les dernières images postées sur Camp to Camp prouvaient qu’un accès au glacier depuis ce col était possible, un groupe du CAF étant récemment redescendu par là.
Nous avons donc décidé de ne pas changer d’objectif et nous voilà partis en direction du refuge de l’Alpe de Villar-d’Arêne, non gardé en cette période de l’année. La route la veille fut longue et la montée au refuge entrecoupée d’averses. Fort heureusement, Olivier avait eu la bonne idée d’acheter des parapluies qui furent les bienvenus, et que je réutiliserai la semaine suivante sur le chemin de Stevenson. Nos sacs n’étaient pas vraiment légers puisque nous avions dû emporter réchaud et bouffe en plus de l’intégralité de notre matériel, ne sachant pas si nous aurions besoin ou non des raquettes à neige. Le refuge d’hiver de l’Alpe de Villar-d’Arêne est très « confortable » dans la mesure où il est spacieux et assez moderne. Des bidons d’eau nous ont évité d’aller la chercher je ne sais où, à moins de laisser des casseroles à l’extérieur dans l’attente qu’elles finissent par se remplir puisque les averses ne cessaient de défiler.
Au réveil à 2 h du matin, la voute céleste luisait de mille feux. Après un petit-déj vite avalé, le long périple en direction du col d’Arsine pouvait débuter à la frontale. À moitié endormi, je suivais les pas d’Olivier qui tentait tant bien que mal de ne pas s’éloigner des quelques marques du GR 54 sur les pierres émergeant de la neige. Pierre Lainé, guide de haute montagne, avait prévenu Olivier qu’il nous faudrait tenir l’horaire. Ce qui signifiait parvenir à la brèche de la plate des Agneaux (le couloir qui mène à la crête sommitale du Pic de neige Cordier) avant le lever du soleil, le couloir étant exposé plein sud. Malgré une allure plus que correcte, nous avons fini par arriver au pied de celui-ci aux alentours de 6 h, le soleil commençant à pointer au loin. La brèche semblait à la fois tentante et repoussante ! Combien de temps nous faudrait-il pour la parcourir et dans quel état serait la neige ? Et puis quid de la suite, particulièrement de la descente du col Emile Pic dont nous ne savions pas vraiment ce qu’il en était ? Ajouté à cela le fait que nous étions tout de même un peu « entamé » par deux levers matinaux et des sacs pesants, nous avons finalement décidé de faire demi-tour.
En montagne, la marge compte, et peut-être n’en n’aurions pas eu suffisamment, ou bien la suite de l’aventure serait-elle passée comme lettre à la poste qui sait… Nous avons repris la route en direction de la commune de Pelvoux où devait nous attendre la suite de ce que nous avions initialement prévu : la traversée des dômes du Monêtier. À savoir, une course exceptionnelle nous menant tout d’abord au col du même nom à 3339 m d’altitude avant de poursuivre sur plusieurs kilomètres en chevauchant des glaciers et en franchissant d’autres cols. La journée promettait d’être intense puisqu’il nous faudrait ensuite rejoindre à pied la route menant à Pelvoux une fois le lac de l’Eychauda derrière nous. Cependant, nous doutions… La météo était de nouveau instable et les cumuls de neige en altitude pourraient nous réserver des surprises. Et voilà que nous croisons un gendarme du PGHM que nous alpaguons aussitôt en lui demandant ce qu’il pensait de notre projet. Lui-même revenait de Roche Faurio. Il nous dit que nous risquions de « galérer » à cause justement de la neige tombée en abondance, et de sa consistance qui pourrait nous faire enfoncer à chaque pas, réduisant notre allure et entamant nos forces. Mieux valait effectivement ne pas tenter le diable, d’autant que nos forces n’étaient pas à 100 % ! Retour donc à la voiture pour un grand contournement des Ecrins par le Nord et l’Ouest en direction de Valjouffrey. Il nous restait un dernier jour à remplir. On le souhaitait pour le moins sportif et dépaysant. Je n’ai pas été déçu ! Nous avons visé comme objectif la tête des Chétives à 2644 m d’altitude en partant du joli village de Valsenestre à 1280 m, soit un dénivelé d’environ 1360 m.
La rando fut exceptionnelle. Tout d’abord parce que cette haute vallée où coule le Béranger est paradisiaque, au même titre que le hameau et ses maisonnettes en pierre, ensuite parce que cette portion du GR54B est tout bonnement idyllique ! Ce jour-là un hélicoptère hélitreuillait des poutres sur les hauteurs du sentier. Nous devions croiser bien plus haut des gardiens du parc attelés à réparer des portions dégradées par les pluies incessantes du premier semestre. Après les avoir dépassés, nous avons débouché au lac Labarre encore recouvert de neige. Puis nous avons continué sur la crête menant au sommet des Chétives. Surprise ! La neige, tombée en abondance, formait ça et là des corniches dont il était préférable de ne pas s’approcher.
Arrivés au sommet, nous avons pu observer un paysage hivernal (nous étions le 6 juin) sur le Dévoluy, et les monstres des Ecrins dont l’imposante roche de la Muzelle. Allions-nous faire demi-tour et emprunter le même chemin qu’à l’aller ? La carte IGN semblait nous montrer une toute autre voie, bien plus directe et rapide en direction du SE. Nous nous y sommes engagés jusqu’à ce que, plus bas, deux torrents de montagne nous posent problème. Olivier est descendu dans la pente et a fini par trouver un passage le long d’une petite barre rocheuse tandis que je préférais traverser l’un des torrents et effectuer une boucle. Nous nous sommes finalement retrouvés en dessous de la cabane de Combe Guyon où les gardiens observaient notre progression approximative ! Redescendre les quelque 700 m de dénivelé qui nous séparaient de Valsenestre ne se réalise pas en un quart d’heure. Pourtant, il fallait faire vite tant les nuages avaient remplacé le ciel bleu de la matinée. Nous avons fini au pas de course jusqu’à la voiture. Une minute après être arrivé, une énorme pluie d’orage commençait à se déverser sur le village. On peut dire qu’on a eu de la chance ce jour-là !
