12, 13, 14 juin 2013 / Aiguille Verte par le couloir Whymper
Evidemment, j’y suis allé à reculons. Sans la force de persuasion d’Olivier, jamais je n’aurais osé m’attaquer à ce monument de l’alpinisme que Gaston Rébuffat résumait ainsi : « avant la Verte on est alpiniste, à la Verte on devient montagnard… ». Du reste, j’avais une porte de sortie en cas d’impossibilité de la gravir cette Verte (http://fr.wikipedia.org/wiki/Aiguille_verte), soit pour cause de météo défavorable (pas assez de regel nocturne) soit pour cause de rimaye infranchissable (http://fr.wikipedia.org/wiki/Rimaye). Cette porte de sortie se résumait en deux mots : Tour Ronde (http://www.camptocamp.org/summits/37999/fr/tour-ronde). Soit un sommet moins ambitieux et qui m’aurait de plus permis de faire connaissance avec le côté italien du Mont-Blanc et le refuge de Torino. Hélas, une fois atteint Megève en voiture et après avoir consulté la météo du lendemain au bureau des guides, le créneau semblait se préciser. De plus, en ayant téléphoné au refuge du Couvercle, Olivier m’appris que des élèves de l’ENSA (http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89cole_nationale_de_ski_et_d%27alpinisme) étaient partis gravir ce sommet le jour même, ce qui supposait que non seulement les conditions étaient pour le moins réunies, mais que par ailleurs, nous aurions de belles traces en forme d’escalier le lendemain dans une pente à 55° pour sa partie terminale. Plus question de reculer donc, même si j’y allais encore un peu… à reculons ! Direction le Couvercle, home sweet refuge que j’avais découvert voilà un an lors de notre excursion aux Courtes. Après avoir emprunté le train du Montenvers, nous prenons pied sur la Mer de Glace, encore recouverte de neige par endroits à cette période pourtant tardive de l’année. Les échelles du Couvercle nous attendaient de nouveau, facilement accessibles cette année grâce aux monticules neigeux qui nous évitèrent de nous esquinter sur la moraine (http://fr.wikipedia.org/wiki/Moraine). Nous nous sommes encordés pour cette première ascension en forme de hors-d’œuvre. Ces échelles ont été posées à cause du recul du glacier qui a fini par rendre impossible la jonction au refuge du Couvercle.
Nous l’avons finalement atteint en fin d’après-midi et avons eu la bonne surprise d’apprendre que tous les alpinistes présents ce jour là tenteraient la Verte le lendemain. Parmi eux, des guides et leur client. Voilà qui était pour me rassurer ! Après avoir préparé nos sacs, nous sommes allés nous reposer puis avons dîné vers 19 h et au lit ! Quatre heures de sommeil nous attendaient, trop peu certainement, avant la grande aventure. Lever minuit pour un petit déj plus que matinal. Olivier m’avait rapporté les propos de son guide, Michel Bordet (http://www.michelbordet.com) qui, lors de ce type de course, lui avait dit un jour : « faut s’bourrer ! ». Se bourrer le ventre à minuit… pas si facile à faire mais je réussis néanmoins à ingurgiter suffisamment de calories pour partir en forme vers 1 h du matin. Nous avons suivi les autres cordées par une nuit sans lune et sommes arrivés à la rimaye vers 3 h. Fantomatique passage que celui de ce gouffre, éclairé par nos seules frontales. Avant d’entreprendre la remontée du couloir, nous l’avons traversé vers la droite et avons dû batailler avec un passage en rocher délicat. Ensuite, en file indienne, nous avons commencé à le gravir. Le regel était effectivement correct et chaque prise pour les piolets et les crampons était sécurisée. Quelle ambiance et quelle austérité dans cette première partie ! Les quelques cordées se suivaient en file indienne, les premières faisant pleuvoir sur les suivantes particules de neige et de glace. Finalement, après 5 h d’effort, nous arrivâmes au col de la Grande Rocheuse à plus de 4000 m d’altitude.
Nous en avions terminé (pour un temps !) avec l’impressionnant et vertigineux couloir Whymper. Petite frayeur quand j’y repense : peu de temps avant le col, en allant planter l’un des mes 2 piolets, celui-ci m’échappe. En me retournant, je n’ai que le temps de le voir glisser silencieusement sur la pente. Fort heureusement, un guide qui redescendait parvint à le rattraper, le planta et je pus le récupérer grâce à une cordée d’Anglais qui était derrière nous ! Après une courte progression sur l’arête cornichée, Olivier et moi parvenions seuls au sommet, un belvédère plutôt étroit où nous ne nous sommes pas attardés, ayant déjà en tête la descente démesurée (http://goo.gl/fzd9LA).
Retour au Whymper en sens inverse et en désescalade dans sa première partie et où la chute est interdite ! Puis, Olivier commença à repérer les premiers relais qui assuraient notre descente en rappel. Hélas, une bonne partie d’entre eux était cachés sous des amas de neige. Nous avons perdu énormément de temps, d’autant plus que notre corde ne faisait que 50 m de long pour des relais espacés d’une soixantaine de mètres. Entre le fait de dénicher les relais existants, en créer de nouveaux à l’aide de sangles, notre corde trop courte, le temps eut vite fait de passer et nous fûmes rapidement les bons derniers.
La neige se transformait déjà sous un soleil implacable si bien que les premières coulées firent leur apparition dès 10 h du matin. Heureusement, celles-ci étaient circonscrites à un vaste toboggan d’environ 2 m de profondeur qui terminait sa route dans la rimaye. De plus, les relais étant bien protégés derrière d’énormes rochers, à aucun moment nous ne fûmes en danger. Nous avons retraversé la rimaye vers 17 h, après environ 8 h de descente lente mais sécurisée. Pendant ce temps, l’heure défilait également au Couvercle et Michel Tavernier, le gardien du refuge, ne nous voyant pas arriver, appela le PGHM de Chamonix (www.pghm-chamonix.com) dont un hélico évoluait dans les environs. Alors que nous prenions pied sur le glacier au bas du couloir, un hélico vint se planter devant nous. Grâce à un puissant haut-parleur, les gendarmes nous demandèrent si nous étions bien la cordée « Grangean », s’assurèrent que tout allait bien et nous souhaitèrent bonne descente. Drôle d’impression que l’apparition de cet hélico au milieu de nulle part qui eut l’effet de me rassurer, même si le danger était désormais derrière nous. Il nous fallut 2 h pour rejoindre le Couvercle, dans une neige molle dans laquelle nous nous enfoncions parfois jusqu’au genou. « Ah, nous sommes heureux de vous revoir ! ». Tels furent les premiers mots prononcés par Michel Tavernier et son équipe. Celui-ci ajouta que nous avions bien fait de sécuriser notre descente quitte à y passer du temps. De grands professionnels adorables aux petits soins pour nous concocter une bonne soupe ! Difficile de décrire le sentiment de fouler à nouveau du pied le refuge après une course qui aura duré près de 18 h.
Le lendemain matin, nous avons entamé la descente vers le Montenvers, retraversé la Mer de Glace en suivant des traces fraîches, heureux d’avoir gravi cette fabuleuse montagne, d’autant plus qu’Olivier n’en était pas à son premier essai. Jamais rassasié, nous avons échafaudé des plans pour septembre qui nous mèneront certainement à nouveau dans les Ecrins pour de la grimpe sur rocher. Sommets visés : la Dibona et la traversée des Aiguilles du Soreiller (www.camptocamp.org/summits/38648/fr/aiguille-centrale-du-soreiller) ainsi que la Tête des Fétoules (camptocamp.org/summits/37664/fr/tete-des-fetoules). Vaste programme !
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Super reportage et photos splendides.
Pierre