9 au 12 juin 2025 : Langogne – Le Pont-de-Montvert
Il y a un an, j’entamais le chemin de Stevenson en compagnie de mon pote de collège Pierre, pour fêter nos 60 ans communs. Nous avions alors effectué le parcours du Puy-En-Velay jusqu’à Langogne en 3 jours (voir ici : https://bit.ly/4k9scfX). Soit un tiers de la randonnée totale qui se termine à Saint-Jean-Gard non loin d’Alès. Nous avions prévu d’effectuer la suite cette année en reprenant là où nous nous étions arrêtés, Langogne donc, pour pousser jusqu’au Pont-de-Montvert, commune dont je n’avais jamais entendu parler jusqu’à l’an dernier ! Après avoir planché sur le topoguide de France Randonnées, on s’est aperçu qu’il nous faudrait 4 jours pour rallier notre destination finale (sans être terminale pour autant), en effectuant près de 30 km les deux premiers jours puis entre 15 et 23 les deux derniers.
Après un savant calcul, il nous est apparu que nous randonnerons près de 90 km et gravirons environ 2 700 m de dénivelé. Encore dans nos cordes malgré notre grand âge… quand même 122 ans… à deux ! Le tracé franchit notamment la montagne du Goulet à 1413 m d’altitude, puis bien plus loin le sommet de Finiels, point culminant de la Lozère à 1700 m (1699 m exactement…). Nous voguerons sur de gigantesques et vastes mamelons qui n’attendent même pas notre venue ! Nous voilà donc partis de Langogne pour rejoindre le village de Luc. Auparavant une large boucle à l’ouest nous aura fait visiter le bourg du Cheylard-l’Evêque.
Cette première journée est plaisante, les paysages variés, les chemins débonnaires et les forêts apaisantes. Nous rencontrons en chemin un curieux édifice naturel, un empilement de rochers à l’orée d’une forêt qui ressemble à s’y méprendre à Fontainebleau. Résultat : je ne me prive pas de le gravir ! Un peu plus loin, un charmant hameau laisse entrevoir une demeure de toute beauté, juste avant le village du Cheylard-l’Evêque. Celui-ci est sous la protection de la chapelle Notre-Dame de toutes les Grâces qui le surplombe et que nous ne tardons pas à rejoindre afin d’effectuer une pause pique-nique avec vue imprenable sur les environs.
Le ventre plein et sans même faire la sieste, nous voilà repartis en direction de la bourgade d’Espradels. Quelques kilomètres plus loin, nous atteignons un large étang de toute beauté en pleine forêt. Des pêcheurs sont affairés à discuter, l’un d’eux ayant aperçu un serpent dans l’eau qui aurait disparu dans les hautes herbes. Nous ne vîmes point de bestiole à sang-froid ce jour-là dans la descente vers Luc (ni les autres jours d’ailleurs), mais fîmes la connaissance d’un cheval répondant au nom de Coquin et de son propriétaire, tantôt sur, tantôt à côté de sa monture. Ils font halte au gîte de la Girolle tout comme nous, tandis que sa femme le rejoint en voiture à chaque étape. Elle se contente pour sa part d’effectuer des excursions dans les environs.
En arrivant à Luc, nous passons par l’incontournable château, du moins ce qu’il en reste, même si une de ses parties a été restaurée. Le donjon peut se gravir et de là-haut, la vue s’étend sur toute la vallée avec, au-dessus de nos têtes encore, une gigantesque Vierge qui elle aussi semble préserver les environs. Au gîte, nous retrouvons Coquin en train de farnienter et se bâfrer dans un enclos. Son maître nous explique qu’il devait effectuer le parcours en compagnie d’une autre personne, mais que celle-ci a annulé au dernier moment.
Et comme tout était réservé et qu’il fait grand beau, il a décidé de ne pas abandonner. Il s’en va donc sur les chemins avec son cheval à défaut de son âne ! Nous le croiserons et recroiserons bien des fois jusqu’au sommet de Finiels. Retour au gîte pour un succulent repas du soir. La propriétaire des lieux nous laisse deviner ce qu’elle nous a concocté de bon. Et c’est du sanglier ! Moi qui ne suis pas fan de gibier, j’avoue que le plat est succulent et tendre. Son petit secret ? Ajouter du chocolat et de l’alcool.
Puis nous ne tardons pas à nous coucher, la journée du lendemain devant nous mener à Chasseradès en passant par la trappe de Notre-Dame-des-Neiges et la montagne du Goulet à 1413 m, soit environ 27 km de rando. La montée à l’abbaye s’effectue plaisamment après que nous avons quitté la Lozère pour l’Ardèche. Une large boucle en forêt nous fait déboucher sur le site, immense, composé de plusieurs bâtiments et d’une jolie chapelle décorée de vitraux modernes. Les rares religieuses croisées semblent jeunes et heureuses, l’une d’elles se déplace sur un vélo électrique pour affronter la déclivité du relief tandis qu’une autre accueille de la famille dans un coin ombragé du vaste parc. C’est en tout cas à cet endroit qu’en 1878 Stevenson fut hébergé par les moines trappistes avant de poursuivre son voyage vers le sud.
Un large chemin empierré nous amène à la troisième étape du parcours, à savoir le très joli village de Chasseradès. Mais auparavant, nous longeons un parc éolien dont l’air d’altitude anime de gigantesques pales. Coquin n’en a cure, son seul souci étant de dévorer les bonnes herbes alentour. La halte est la bienvenue à l’hôtel des Sources. Une petite visite à Chasseradès et à son église non dépourvue de charme s’impose. Il fait bon vivre dans ces environs, moins peut-être au cœur de l’hiver… Le lendemain, la direction visée est la commune du Bleymard. L’itinéraire emprunté par Stevenson promet de belles surprises. Nous suivons la voie de chemin de fer qui traverse la rivière du Chassezac à Mirandol sur l’imposant viaduc du même nom datant de la fin du XIXème siècle. Puis nous entrons progressivement dans la montagne du Goulet pour la traverser et passer en même temps à l’endroit même où le Lot prend sa source. Nous en profitons pour abandonner le chemin de Stevenson durant quelques kilomètres en empruntant plus au nord un itinéraire bis longeant deux vallons sauvages où les marcheurs ont disparu ! Nous entrons dans l’orée de la forêt pour une pause casse-croute tandis qu’une biche effrayée par deux zigotos détale en nous apercevant. Le Bleymard est une grosse bourgade traversée par la D901 qui traverse la Lozère, l’Ardèche et le Gard. On rejoint la civilisation en vacances, camping-cars, motos et (quelques) cyclistes se retrouvent à l’hôtel de la Remise pour siroter une bière (on en fera autant) sous une forte chaleur. On est peut-être dans la diagonale du vide, mais pas dans celle de la technologie ! Preuve en est le soir même au restaurant où les serveurs sont épaulés par un robot qui déambule dans les allées en servant de porteur de plats. Cette sorte de R2D2 culinaire soulage la tâche du personnel et accélère d’autant le service. Cela tombe bien, nous avions faim !
L’ultime étape de l’année doit nous mener au Pont-de-Montvert, joli village traversé par 3 rivières, dont le Tarn. Mais avant d’en arriver là, nous devons gravir le mont Lozère et plus précisément le sommet de Finiels à 1700 m d’altitude, soit un dénivelé de 600 m environ. Au détour de la large piste forestière qui monte gentiment vers le mont Lozère, nous tombons sur un papi visiblement perturbé par la signalétique rouge et blanche du GR 70. Nous lui confirmons qu’il est bien sur le bon chemin puis passons à autre chose. Nous ne tardons pas à rejoindre la station de ski du Bleymard-Mont Lozère et trouvons là quelques téléskis, un gîte équestre (parfait pour Coquin !), une chapelle à l’architecture moderne, ainsi que pas mal de randonneurs venus en voiture pour gravir les 300 derniers mètres jusqu’au sommet. Nous remontons le mamelon jusqu’à l’antécime à 1682 m avant de poursuivre plein ouest vers le vaste sommet marqué par un emplacement de bivouac formé d’imposantes pierres en cercle. Et comme il n’y a personne à l’intérieur, nous ne tardons pas à le squatter pour nous protéger du vent qui souffle fort.
Drôle de sommet que celui-là. Plutôt un gigantesque plateau en fait où de petits groupes de randonneurs tentent d’apercevoir les emblématiques cimes des environs à commencer par le mont Aigoual, en s’orientant grâce aux tables d’orientation placées çà et là. Mais nous ne vîmes rien ce jour-ci, l’atmosphère étant bien trop brumeuse. Plutôt que de redescendre par le chemin officiel, j’avais repéré sur la carte un tracé plein sud intriguant, de simples pointillés longeant un ruisseau. Bingo ! Ce petit sentier à l’écart de la foule est de toute beauté. Il file en sous-bois sur près de 2 km. Nous l’arpentons à petits pas en profitant de chaque instant puis débouchons sur une piste forestière que nous évitons pour préférer un chemin plus intime à l’orée de la forêt qui finit par nous amener à Finiels et ses quelques maisons accrochées aux pentes du mont Lozère.
Des coups de klaxon perturbent le calme ambiant. C’est la camionnette du maraîcher qui passe tous les jeudis dans les communes alentour. Une mamie sort de sa tanière et se met à rouspéter du prix des fruits et légumes. Si elle savait ! Les tarifs parisiens sont au triple de ceux affichés ici. On en profite pour acheter une gigantesque tomate et des abricots, le tout pour… 2,50 € ! Et nous allons déguster ce festin à l’ombre d’un arbre, car le soleil est au zénith et il fait sacrément chaud. Puis nous repartons pour entamer la dernière descente de ce Stevenson 2025, soit environ 200 m de dénivelé et 4 km plein sud. Le chemin se raidit à l’approche du Pont-de-Montvert que nous apercevons au loin dans la vallée encaissée. La bourgade a énormément de cachet avec son pont vouté et ses 3 rivières qui se rejoignent dont le Tarn. D’ailleurs Pierre ne tarde pas à piquer une tête ! Je suis bien trop frileux pour en faire autant.
La surprise finale de cette fin de parcours se cache au sortir du village. Là se trouve le gîte du Chastel que nous pensions « commun » et qui est en fait une adorable enfilade de maisonnettes en bois collées les unes aux autres et bénéficiant toutes de balcons-terrasses où il fait bon farnienter. Cet écrin de verdure décoré avec soin est un havre de paix. La propriétaire des lieux, Béatrice Cadier, déborde d’énergie et de gentillesse. Elle tient son gîte de main de maître secondée par son fidèle compagnon, un majestueux Saint-Bernard passant son temps à l’attendre lors de ses multiples tâches de la journée. À peine avons-nous fait connaissance qu’elle nous dit qu’elle doit aller chercher en voiture la personne qui partagera notre logis. Celle-ci est visiblement à bout de force et dans l’incapacité de rejoindre le gîte. Quelques temps plus tard, qui voyons-nous débarquer ? Le petit papi que nous avions croisé le matin même ! Quel personnage que ce Jean-Paul, 84 ans, veuf et en rémission d’un cancer, voguant tout seul sur le long Stevenson. Très bavard et l’œil pétillant, il nous raconte sa vie d’ingénieur tout en partageant des pizzas sur la terrasse du gîte. Après sa mésaventure (il a chuté deux fois…), il décide de prendre un jour de repos avant de poursuivre vers le sud. Sage décision.
Il utilise les services de la malle postale, n’ayant qu’un petit sac à porter en journée. Béatrice est accommodante et aux petits soins pour ses « guests ». Nous retrouverons avec grand plaisir son gîte dans un an sachant que l’ultime étape de cet incroyable GR nous fera démarrer du Pont-de-Montvert pour nous mener jusqu’à St-Jean-du-Gard et à sa fontaine commémorative où Stevenson arriva le 2 octobre 1878 après un périple de 12 jours depuis le Monastier sur Gazeille. Suite des aventures donc en 2026 !
