6 septembre 2013 / Râteau sommet est
Etant depuis quelques jours en Oisans pour, à l’origine, effectuer l’ascension de la Tête des Fétoules, nous avions hélas dû faire marche arrière à cause d’une idiote panne de voiture. Pendant que celle-ci était en réparation, Olivier a cherché une course de moindre envergure et le Râteau (www.camptocamp.org/summits/38546/fr/le-rateau-sommet-e) s’est imposé à lui. Nous avons donc pris le bus la veille, bus qui nous a déposés dans le charmant village de Saint-Christophe, accroché à sa montagne avec son étroite rue principale et ses vieilles maisons dont certaines très abîmées par le rude climat des lieux. Avant la longue montée vers le refuge, petit break fort sympathique au resto La Cordée où nous avons croisé un vieil Anglais d’au moins 70 ans monté seul à vélo depuis Bourg-d’Oisans et qui, une fois installé en terrasse, a commandé une bière et allumé sa pipe, so british ! Quel bonheur que ce moment de détente dans un endroit où il fait bon vivre… en tout cas en été !
Nous nous sommes ensuite mis en marche le ventre plein (de bonnes choses) en début d’après-midi vers le refuge de la Selle (www.refugedelaselle.fr), perché à quelques 2700 mètres d’altitude, en remontant un long vallon sur environ 8 km. Le dénivelé n’était pas important mais la route était longue à travers une nature d’une beauté majestueuse, parcourue par un torrent parfois grondant, parfait murmurant, passant à un endroit sous un gigantesque névé dont on se demandait ce qu’il faisait encore là à cette époque de l’année.
Après plus de 3 heures de marche, nous finîmes par déboucher sur l’éperon rocheux supportant le refuge dont une partie est construire dans le vide, uniquement soutenue par de solides barres en acier. En fait, le refuge de La Selle est constitué de plusieurs refuges, construits à diverses époques, l’ancien étant devenu le refuge d’hiver et le nouveau, celui d’été. Après un solide et excellentissime repas, nous eûmes droit à un magnifique coucher de soleil qui irradia la montagne, une fois passé sous les nuages. Nous nous précipitâmes dehors pour immortaliser ce somptueux et rare moment que nous offrait la nature.
Puis, très rapidement, dès l’embrasement terminé, nous sommes allés nous coucher, luxe suprême, dans un vaste dortoir pour nous tout seul et disposant de douillettes couettes. Pourtant, pas question de faire la grasse mat ! Lever 4h afin de pouvoir être au sommet pas trop tard pour ensuite redescendre plus de 2 kilomètres de dénivelé, histoire de récupérer la voiture avant la fermeture du garage. La course avait pourtant mal débutée, à cause d’un cheminement à la frontale beaucoup trop en amont du passage menant au glacier de La Selle et qui nous fit perdre au moins 45 minutes. Ce n’est qu’avec les premières lueurs de l’aube que nous retrouvâmes notre chemin et prîmes pied sur le glacier. Aucun risque de tomber dans une crevasse puisqu’à cette époque, celui-ci était totalement ouvert, si bien que nous ne nous encordâmes pas et le remontâmes jusqu’à l’impressionnante brèche du Râteau.
Il faut imaginer un géant qui aurait fendu la montagne en deux avec une gigantesque épée. Voilà ce qu’est la brèche du Râteau. On s’y sent tout petit en la traversant. Surtout, on y accède en remontant la pente de neige débouchant sur la rimaye du glacier qu’il faut ensuite franchir pour prendre pied sur le rocher. Exercice délicat ! Nous avons ensuite éprouvé quelques difficultés à trouver notre chemin à travers cette brisure, à cause du recul du glacier impliquant de commencer à grimper très bas. Puis ensuite, à cause des morceaux de rochers délités prêts à nous tomber sur le coin du nez. Enfin, après un cheminement tortueux, nous sommes finalement parvenus à son sommet où nous attendait une superbe escalade aisée sur du très beau rocher, puis une non moins magnifique traversée d’arêtes avant d’entamer la remontée de la pente de neige en direction de l’antécime.
Nous avons alors débuté une remontée en crampons et piolet tout en étant encordés. Et moi qui avais bêtement pris l’antécime pour le sommet ! Une fois arrivé là-haut, j’eus la surprise de découvrir que le véritable sommet se profilait en fait bien plus loin ! « Quoi, tu croyais que c’était ça le sommet ! », me glissa Olivier. Nous sommes donc repartis sur une nouvelle pente de neige ascendante puis s’inclinant par la suite, avant de nous rapprocher d’une zone rocheuse et d’une corniche tout en neige pour, enfin, vers 10h30, l’atteindre ce sommet rocheux duquel, sublime récompense, une vue éblouissante sur notamment La Meije, nous attendait.
Superbe sommet que celui du Râteau qui culmine à 3800 m d’altitude. Un promontoire en définitive pas si facile d’accès ou en tout cas à ne pas prendre à la légère, moi qui, après avoir lu le topo, pensais que cette course s’effectuerait les mains dans les poches, syndrome peut-être du « tout est aisé après l’Aiguille Verte ! ». Une course en tout cas vraiment complète, mêlant approche assez longue, remontée sur glacier, escalade sur rocher puis sur crête et enfin progression sur pente neigeuse d’environ 35°, un tout qui permet d’avoir une idée assez précise de ce que peut être l’alpinisme en 2013. Nous ne nous attardâmes pas à cet endroit même si la vue était à couper le souffle.
Nous redescendîmes la pente de neige très précautionneusement, un faux pas nous envoyant valdinguer des centaines de mètres en contrebas. Sans être stressé mais très attentifs à chaque pas histoire de ne pas s’emmêler les guiboles, nous sommes finalement arrivés au sommet de la brèche, passage clé, au moins aussi délicat à la descente qu’à la montée, Olivier devant trouver son chemin à travers 3 rappels. Quant à moi j’ai dû ensuite faire très attention pour ne pas décrocher des blocs de pierre qui auraient pu l’atteindre.
Nous finîmes par atterrir sur un petit balcon en neige sous la rimaye que nous escaladâmes brièvement avant de nous retrouver à nouveau sur les pentes de neige du glacier de La Selle. Tout comme à l’Aiguille Verte, le fait d’en avoir terminé avec la rimaye du glacier signifiait pour moi la fin des principaux dangers et je soufflais un bon coup ! La suite ne fut plus qu’une ballade de santé puisque nous arrivâmes au refuge vers 14 h 30. Un court arrêt avant de prendre le chemin du retour à travers les 8 kilomètres du vallon dont nous eûmes du mal à voir le bout ! Arrivés à St-Christophe, la chance nous sourit puisque la première voiture à qui nous faisions du stop, fut la bonne. Deux jeunes (enfin, plus jeunes que nous !) qui venaient de gravir La Meije nous prîmes en stop. Nous nous sommes racontés nos exploits tout en écoutant une musique bizarre et en reniflant quelques odeurs de pieds ! Sympas, ils nous laissèrent devant le garage où, la chance étant encore de notre côté, nous trouvâmes la voiture réparée et fin prête pour le retour. Un retour olé olé à cause du manque de sommeil, puisqu’en arrivant à Paris, nous étions debout et crapahutions depuis plus de 20 heures !