Une double brèche et des arêtes
Une double brèche et des arêtes

Une double brèche et des arêtes

7 juillet 2022 / Voie du Pilier de la double brèche suivie de la traversée intégrale des arêtes du Gerbier

Une semaine avant l’ascension puis la traversée des arêtes du Gerbier dans le Vercors, Olivier et moi étions presque certains de partir dans le massif du Mont Blanc pour effectuer l’escalade de l’aiguille du Grépon qui culmine à 3 482 m d’altitude. Le covid-19 en a décidé autrement. Un an après avoir été fortement secoué par cette merde, Olivier est de nouveau tombé légèrement malade, le virus l’affaiblissant au point de devoir déclarer forfait. Notre guide Pierre Lainé a très bien compris la situation et nous le remercions pour sa compréhension et souplesse. Cela dit, je restais sur ma faim, et plutôt que d’envisager Grépon-Mer de Glace sans mon copain de cordée, j’ai décidé de me lancer de nouveau dans une escalade en moyenne montagne, ayant beaucoup apprécié l’an dernier la montée au Mont Aiguille par la voie de la Tour des Gémeaux.

Les premières longueurs

C’est Pierre qui m’a suggéré cette virée au Gerbier, paroi raide et verticale digne du mur de Game of Thrones ! Il m’a proposé la voie du Pilier de la double brèche, à savoir 8 longueurs d’un dénivelé approximatif de 200 m pour déboucher sur la partie herbeuse menant aux arêtes proprement dites. 8 belles longueurs donc dans un niveau de difficulté 4/5 et dans un environnement vertical plutôt « gazeux ». Mais en regardant le topo de plus près, j’ai tout de suite vu qu’une des longueurs dépareillait ! La sixième est classée 6a sur 40 m, une sorte de dièdre-cheminée se redressant sur la fin. Camp to Camp explique qu’il s’agit là du crux de la voie. Moi qui me sort convenablement des difficultés dans le 5, j’ai plus de mal au-delà. Bref, je me suis dit « qui vivra verra ». D’autant qu’avec un guide comme Pierre, je n’avais pas à me faire trop de soucis !

La voie est effectivement très belle. Définitivement, j’aime grimper sur du calcaire tant que celui-ci n’est pas patiné ! C’est le cas ici avec une belle première longueur qui laissait augurer d’un max de plaisir plus haut. La seconde est sans doute l’une des plus esthétique. Le pas de 5 est à la fois gazeux et original, le grimpeur ayant tendance à vouloir s’enfermer dans un surplomb alors que le passage en contournement, pas facile à déceler du premier coup d’œil, est de toute beauté, et qui plus est doté de bonnes prises pour les mains. Pierre m’a indiqué la voie à suivre. Sans lui, j’aurais eu du mal à trouver la sortie ! S’en suivent 3 chouettes longueurs dans le 4 qui nous font nous élever d’environ 100 m, avant de déboucher au départ de la fameuse longueur en 6.

La longueur en 6

En observant ce large dièdre quasi-vertical se transformant en cheminée sur sa partie haute, je n’ai pas su trop quoi penser. Pierre s’est lancé en usant de techniques d’escalade en opposition puis en dulfer plus haut. En le regardant consciencieusement évoluer, je me suis dit que somme toute, cela devait passer sans trop de problème. Sauf que je ne suis pas guide ni n’ai son niveau d’escalade ! Je suis parti à mon tour en tentant de répéter les mêmes gestes. Les 2 premiers tiers du dièdre sont passés sans trop de souci. Mais arrivé à la partie terminale, je me suis aperçu que le rocher de gauche était pas mal patiné. Heureusement qu’une sangle coincée dans une faille m’a permis de me hisser, de même que les dégaines posées par Pierre. J’ai fini par m’en sortir tant bien que mal, le cœur battant la chamade. Les deux dernières longueurs (dont une de nouveau dans un très beau dièdre) permettent d’en terminer avec la partie verticale. Nous avons débouché dans des pentes herbeuses qui peuvent s’avérer glissantes et dangereuses lorsque mouillées. C’est d’ailleurs non loin de là que se sont tués Lionel Terray et Marc Martinetti le 18 septembre 1965, certainement après avoir glissé sans pouvoir se retenir.

Le Mont Aiguille au fond

Ce qu’on nomme la double brèche du Gerbier est formée par d’impressionnantes pyramides verticales plongeant sur plusieurs centaines de mètres en contrebas. L’endroit et magnifique et déconseillé à celles et ceux qui ont le vertige ! Nous sommes parvenus à l’une d’elles que nous avons contournée puis avons déjeuné dans un coin abrité du vent. Car le vent s’était mis de la partie pour contribuer à cette grande ambiance, d’autant que nous étions les seuls ce jour-là. Pierre m’a demandé si l’on continuait. Me sentant en forme d’une part, et la perspective de la traversée me séduisant d’autre part, nous avons repris un bon rythme, tout d’abord en grimpant de nouveau pour atteindre le faîte de l’arête puis en débutant la traversée proprement dite, Pierre me laissant passer devant une partie du chemin.

Sur les arêtes

Comme nous avancions vite, nous avons continué pour effectuer la traversée intégrale qui comprend quelques passages olé-olé comme le Rasoir ou le Peigne (côté 3c). Il s’agit d’attraper les réglettes sommitales avant d’effectuer une avancée horizontale face à la paroi. L’arête est dans ces passages tellement fine qu’il est impossible de s’y tenir à califourchon ! Le cheminement se complique légèrement par la suite. Il comprend notamment un rappel facultatif et une descente sur des pentes rocheuses avant de pouvoir prendre pied sur les alpages de haute altitude. Il ne reste plus alors que se rendre au pas de l’Oeille, sorte de brisure de la paroi qui autorise le passage du GR en direction de Prélenfrey. Nouvelle sortie esthétique et un bel enchainement à conseiller sans modération. Merci Pierre !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *