Une pointe et un pic en à-pic
Une pointe et un pic en à-pic

Une pointe et un pic en à-pic

15, 16, 17 septembre 2011 / Arête ouest de la Pointe des Aigles & arête sud du Pic Nord des Cavales

Après l’ascension du Mont Tondu, mon envie de haute montagne et plus particulièrement de rocher s’est aiguisée. Après m’être procuré un hors-série du magazine Montagnes magazine consacré aux plus belles grimpes sur arêtes rocheuses, me voici à rêver de belles chevauchées sur le fil de montagnes escarpées. Nous en discutons avec Olivier qui a lui très envie de retourner grimper dans le massif des Écrins.  Il me propose l’arête Ouest de la Pointe des Aigles (www.camptocamp.org/routes/53815/fr/pointe-des-aigles-arete-w) qui a la particularité de se situer non loin de la face Sud de la Meije (www.camptocamp.org/summits/133422/fr/la-meije), sommet et traversée mythiques qu’il a déjà pratiqués et auquel nous nous attaquerons peut-être un jour ensemble. Puis, si le temps le permet et si nous ne sommes pas trop achevés, nous projetons d’enchaîner le lendemain avec l’arête Sud du Pic Nord des Cavales  (www.camptocamp.org/summits/40521/fr/pic-n-des-cavales). En attendant, nous voilà partis en ce beau mois de septembre 2011 (merci l’anticyclone !) en direction de Grenoble dans un premier temps, puis grâce au réseau de bus de l’agglomération grenobloise, vers le charmant village de La Bérarde que nous finissons par atteindre après une montée éprouvante pour le vieux moteur Diesel du mini-bus tout près de rendre l’âme. Nous nous attablons à l’unique hôtel des lieux qui ne va d’ailleurs pas tarder à fermer, la fin de saison approchant à grand pas.

Après avoir profité du soleil, de l’ambiance, de la gentillesse de la propriétaire et de sa bonne cuisine, le cap est mis en direction de notre premier refuge, le confortable Chatelleret que nous atteignons en environ 2 heures. La paisible remontée de la vallée est un enchantement accessible à tous. Le paysage est grandiose et quelques sommets majeurs des Écrins se dévoilent les uns après les autres, dont celui de la Grande Ruine ; un nom qui, à lui seul, impressionne le novice que je suis. Puis, peu à peu, nous distinguons le refuge et, derrière lui, une gigantesque muraille : la Meije que je découvre pour la première fois. Impossible d’aller plus loin, la vallée se termine brutalement devant cette montagne de près de 4000 m de haut. Pourtant, accroché à ses flancs, le minuscule refuge du Promontoire indique qu’il est néanmoins possible de la franchir, la traverser puis redescendre sur le versant opposé. Une chevauchée qui évidemment me fait rêver et frissonner à la fois.

Mais aujourd’hui, ce sera la pointe des Aigles, un sommet qui se dessine à droite de la Meije et depuis lequel nous aurons une vue imprenable sur cette muraille qui barre la route. Arrivés au Chatelleret, la nuit tombe rapidement et nous trouvons la gardienne inquiète. Trois alpinistes ne sont toujours pas redescendus. Elle finit par appeler les secours. L’hélicoptère de la Gendarmerie arrive à la nuit tombée. Nous le voyons évoluer à la recherche de la cordée sur la ligne de crête à droite du Pic Nord des Cavales. Après plusieurs minutes, il se stabilise enfin puis prend la direction du refuge. Il se pose et en descend un adulte d’une soixantaine d’années ainsi que deux jeunes d’environ 20, 25 ans. Plus de peur que de mal mais lorsque la gardienne leur demande ce qui leur est arrivé, l’adulte répondra qu’il avait déjà effectué cette traversée dans sa jeunesse, qu’il pensait que ce serait moins long et qu’ils ne se perdraient pas. Nous sommes consternés par tant d’amateurisme, Olivier me confiant qu’en haute montagne, avant toute chose, il faut savoir tenir un horaire. Du reste, la gardienne promet de jeter un œil sur nous lors de notre évolution sur la crête le lendemain avec ses puissantes jumelles. Me voilà rassuré !

Nous, l’horaire, nous le tenons ! Départ de bon matin en direction de l’attaque de la Pointe des Aigles, après avoir remonté et traversé la vallée avant d’atteindre l’approche de la voie. Il fait beau, le rocher est une pure merveille, l’ascension pas vraiment difficile, bref, tout se passe pour le mieux. Sauf qu’au troisième ressaut (En montagne, on appelle ressaut le passage brusque d’un plan horizontal à un autre, et par extension, une zone escarpée (voire verticale ou surplombante) séparant deux zones d’inclinaison nettement plus faible«  (Gautrat 1970). Des montagnes trapues (…) sans ressauts, comme d’un seul jet (Vidal de La Bl.,Tabl. géogr. Fr., 1908, p. 188), Olivier hésite. Le cheminement n’est plus vraiment marqué. Tandis qu’il recherche l’itinéraire en examinant plusieurs topos, je l’assure à plusieurs mètres de distance, confortablement installé sur la crête. Pourtant, je ne suis que moyennement rassuré : en tournant la tête à droite et à gauche, j’aperçois le vertigineux vide qui s’étend sur quelques centaines de mètres. Impossible de faire marche arrière, il faut passer ! Ce que finit par faire Olivier en s’élevant quelque peu puis en disparaissant subitement de ma vue. Après quelques minutes, à moi de m’élancer, tandis qu’il me guide à la voix.

Je n’en même pas large. Il s’agit d’effectuer une traversée en courbe et donc s’engager dans un passage sans apercevoir ce qui se cache derrière. Olivier me crie qu’il y a une belle prise pas loin. Je me lance d’autant que les prises de pied sont bonnes. Résultat, un beau moment de trouille et d’extase en même temps ! Olivier me réceptionne sur une petite vire (Replat étroit le long d’un escarpement montagneux. Du sommet de la gorge où nous étions maintenant arrivés, une étroite vire contourne le rocher à pic et permet de descendre dans la gorge vertigineuse, à deux cents mètres au-dessus du torrent (Abellio, Pacifiques, 1946, p. 329). La suite est sans réelles difficultés et nous finissons par arriver sur l’étroit sommet duquel une vue à 360° nous laisse admirer la Meije, le refuge du Chatelleret et désormais celui du lac du Pavé, puisque nous redescendons sur le versant opposé de la Pointe des Aigles. En dessous de nous, à peu près 900 mètres de vide.

La descente ne nous pose pas de véritable souci et nous arrivons au refuge du lac du Pavé alors que le soleil se couche. Le refuge est vide à cette époque de l’année. Pourtant, on découvre en y entrant, de quoi tenir un siège : œufs, fromage, tomates, vieux pain ainsi qu’une gazinière en état de marche et, comble du luxe, du vin blanc en carton ! Autant dire que nous avons avons superbement gueuletonné en duo à 2700 mètres d’altitude à la lumière de la bougie, un moment que je ne suis pas près d’oublier !

Au petit matin, retour à la varappe. Le temps s’est couvert durant la nuit. Olivier me dit, avant d’avoir mis le nez dehors, que le paysage est peut-être tout blanc ! Il faut dire que nous sommes à la mi-septembre. Fort heureusement il a tort, si bien que nous attaquons en sens inverse le même chemin que la veille, en direction cette fois-ci de l’arête Sud du Pic Nord des Cavales puisque le temps le permet, une ascension plus courte et plus facile que l’arête Ouest de la Pointe des Aigles. Arrivés au début de la voie, le temps se couvre de plus en plus. Nous déposons nos sacs sous un rocher et nous voilà partis à l’attaque d’une très belle paroi, effectivement peu difficile. Le clou de cette escalade est sans conteste un superbe dièdre (Passage de rocher constitué de deux plans, généralement sans prises, formant un angle obtus dont le fond est parcouru par une fissure qui permet l’escalade. Comme une somnambule, elle gravit le dernier dièdre, largement ouvert, très lisse, sans prises, incliné à soixante-dix degrés (Frison-Roche, La Grande crevasse,Paris, 1948, p. 59) que nous franchissons sans problème.

Une fois atteint la crête sommitale, la descente s’effectue en plusieurs rappels. Olivier préfère vérifier que je connais bien la manœuvre, car autrement me dit-il, c’est la chute assurée ! Bon, je suis encore en vie pour relater cette aventure, preuve que la manipulation de la corde à double dans le descendeur… je maîtrise ! Nous récupérons nos sacs puis reprenons pour la seconde fois le chemin du refuge du lac du Pavé, cette-fois ci sans s’arrêter car il s’agit de ne pas traîner si l’on veut attraper le dernier train pour Paris. La marche de retour dans une somptueuse vallée se fera sous une pluie battante. Nous eûmes pourtant de la chance jusqu’au bout, après cette extraordinaire double escalade, puisqu’arrivés du côté de Pont d’Arsine, nous fûmes pris en stop par un couple de jeunes Italiens en route pour visiter Paris le temps d’un week-end. Un grand merci à eux qui nous ont laissés devant la gare de Grenoble avec amplement de temps pour nous permettre une petite halte bien méritée dans un restaurant !

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