Sur les pas de Rébuffat aux Rouies
Sur les pas de Rébuffat aux Rouies

Sur les pas de Rébuffat aux Rouies

12 juillet 2022 / Les Rouies par l’éperon Sud-Est dit Rébuffat

Même si l’on a coutume de nommer « éperon Rébuffat », cette belle envolée vers le ciel qui s’étend de la base des Rouies jusqu’à son sommet, ce n’est pas cette grande figure de l’alpinisme française qui a conquis le premier cet éperon Sud-Est. On doit la toute première à deux autres alpinistes de renom, Armand Duchaussoy et Edmond Frendo en 1935. Gaston Rébuffat l’a répliqué en 1941 en compagnie de Joseph Bouisson. Voilà pourquoi la voie est parfois appelée Rébuffat. En tout cas, elle ne se nommera jamais la voie Philippon !

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Mon binôme Olivier et moi-même nous nous contentons de le gravir après bien d’autres, et encore en faisant appel à un troisième larron, Yann Romaneix, guide de haute montagne de son état, et accessoirement joyeux drille des cimes ! Nous nous sommes attachés ses services à cause de l’itinéraire complexe qui, sur ce type de voie, peut faire perdre de précieuses heures en vaines recherches. Yann, qui avait déjà effectué cette ascension auparavant, a, une fois de plus eu le nez fin en trouvant rapidement les bons passages, et en nous évitant ainsi de galérer si nous n’étions partis qu’à deux.

Depuis le refuge du Pigeonnier, l’éperon se détache parfaitement . Il démarre à la base même des Rouies pour aller se perdre bien plus haut, du côté du sommet, bien au-dessus du glacier. Bref, il s’agit là d’une très belle voie d’accès, sans même effleurer la voie normale et sans mettre le pied sur la glace. Voie normale qui, nous le constaterons à la descente, n’est pas jolie jolie…

Rendez-vous est donc pris en ce lundi 11 juillet au refuge qui, sans être bondé, n’est pas vide non plus. Après un bon repas arrosé d’un alcool local proposé par le maître des lieux, nous allons nous coucher de bonne heure puisque le réveil est positionné sur 3h30 afin de partir vers 4h15. Nous apprenons qu’un autre guide accompagné d’une cliente sera également de la partie, les autres cordées devant emprunter la voie normale (et donc par le glacier) pour tenter d’atteindre le sommet. Yann avait repéré la veille aux jumelles les possibles approches menant à la base de l’éperon, celles-ci n’étant pas faciles à trouver en pleine nuit et qui plus est dans un relief tourmenté.

Nous ne nous en sommes pas trop mal sortis, et avons fini par remonter le bord du vaste névé bien visible du refuge qui mène au début de l’aventure. Aventure qui démarre gentiment, puisqu’il s’agit de remonter des vires herbeuses exposées, fort heureusement sèches à cette époque de l’année. Ayant vaincu cette première difficulté toute relative, nous avons bifurqué sur la droite et avons remarqué que le guide et sa cliente avaient emprunté un itinéraire bien plus à gauche que nous. Ils ont fini par revenir dans notre direction avant que la jonction ne s’effectue. Nous ne nous sommes plus quittés, les uns passant devant les autres et vice-versa. Finalement, la perspective d’être en compagnie de non pas un, mais deux guides, ne pouvait que me rassurer !

La difficulté à trouver l’itinéraire s’est faite sentir une fois le hors-d’œuvre avalé. Yann a pourtant bien négocié tout au long de la progression, trouvant les bons passages formés notamment de magnifiques dièdres à gravir sur plusieurs dizaines de mètres.

A un seul moment, alors que nous avions déjà bien avancé, s’est posée la question de savoir si l’on devait s’engager dans une paroi assez verticale et peu… engageante, ou bien tenter de trouver un passage ailleurs. Alors que le guide et sa cliente avaient commencé à l’escalader, Yann a fini par trouver la solution. Il a contourné cette difficulté par la droite, nous amenant à un second dièdre, certainement le clou du spectacle. La sortie de celui-ci s’effectue sur une paroi sans aspérités dans le cinquième degré. Assurément l’un des plus beaux passages de la voie. La suite s’avère un long cheminement dans un éperon qui finit par se coucher à l’approche du sommet. C’est ici encore que nous aurions eu du mal à prendre la bonne décision quant au cheminement à suivre. Yann nous a guidés dans ce dédale de passages cotés 3, de progressions sur le fil, de marche sur des vires.

Après une pause bien méritée, nous avons débouché au-dessus du glacier des Rouies et avons aperçu les cordées qui arrivaient de la voie normale. La suite fut un jeu d’enfant jusqu’au point sommital en foulant des roches délitées. Nous avons été rejoints par les cordées en provenance de la voie normale et avons goûté à un incroyable panorama sur les géants des Ecrins, dont le Sirac et ses multiples dents de scie. Séance photos obligatoire sur les montagnes environnantes, et déjà discussion des éventuels projets sur 2023 ! Puis vint le temps de quitter cet exceptionnel belvédère. Le passage de la rimaye du glacier s’effectue sans trop de problème, de même que la longue redescente vers le refuge.

Le glacier des Rouies, pourtant à plus de 3 000 m d’altitude, souffre tout autant que ses voisins du réchauffement climatique. Pour tout dire, il fait peine à voir, et l’on sent bien que les morsures incessantes du soleil l’affaiblissent de jour en jour. Nous avons évolué sur de la glace sous laquelle des écoulements d’eau étaient visibles. Lors de la descente, celle-ci change de couleur pour devenir grisâtre, à l’image d’un patient d’hôpital au teint blafard. Il s’agit en 2022 du quotidien de nos montagnes, et les guides sont les premiers à le constater et à en subir les conséquences. Cependant, les sommets demeurent majestueux et offrent autant d’objectifs tentants. Nous comptons malgré tout continuer à en profiter l’an prochain.

Glacier des Rouies. En arrière-plan, la barre des Ecrins.

Copyright Photos : Yann Romaneix / Stéphane Philippon

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