9 septembre 2015 / Tour Carrée de Roche Méane, voie normale du Plan Incliné (groupe de la Grande Ruine)
Ce ne fut pas qu’une simple promenade de santé que cette interminable montée au refuge Adèle Planchard ! 1500 mètres de dénivelé au bas mot, soit l’équivalent de cinq Tour Eiffel, le tout assaisonné au préalable d’une longue trotte le long de la belle vallée de la Romanche. Nous arrivâmes assez épuisés, il faut bien le dire, d’autant que nous avions surchargé nos sacs d’eau de montagne captée à 2500 m, le précieux liquide étant indisponible au refuge autrement que sous forme de bouteille vendue à prix d’or.
Aurélien, le gardien d’une trentaine d’années, nous attendait derrière ses fourneaux. Nous ne serions que trois ce soir là, perchés à plus de 3100 m d’altitude dans un univers minéral et brumeux. « Que diriez-vous si je vous accompagnais demain à la Tour Carrée ? » La proposition d’Aurélien de grimper ensemble la Tour Carrée de Roche Méane nous a tout de suite ravis. Hormis le fait de partager un bon moment, il était évident que cela faciliterait grandement les choses : pas de recherche d’itinéraire, moins de stress et, par-dessus tout, l’assurance d’évoluer dans un environnement sécurisé, Aurélien nous accompagnant dans le but d’ôter les vieux relais et pitons en place pour les remplacer par des neufs. Nous partîmes en direction de l’attaque de la voie vers 9h du matin après une nuit de sommeil réparatrice.
La première partie de l’ascension s’effectue sur le « Plan incliné », une gigantesque dalle de plusieurs dizaines de mètres de haut et de large inclinée à environ 60°, un véritable plaisir de gamin à gravir. Puis vient une cheminée malaisée à franchir avant d’atteindre un replat duquel la brèche romantique est bien visible. Avec un peu d’imagination, l’on imagine facilement deux amants s’approchant pour se donner un langoureux baiser. Magie des pierres et de l’érosion… J’ai aimé cette ascension, d’autant que, en la pratiquant à trois, cela nous aura permis pour la première fois à Olivier et à moi, de grimper quasiment en même temps, Aurélien nous assurant l’un et l’autre depuis les hauteurs.
Du coup, nous blablations durant chaque pause, admirions le paysage tout en analysant la suite du parcours. Parcours qui se transforme en « rando » le long de la brèche romantique puis se mue en nouvelle escalade sur la paroi finale marquée d’un « mauvais pas » dans une étroite cheminée. J’avoue que j’ai un peu triché en « tirant au clou » comme l’on dit dans le jargon, à savoir sur une protection posée par Aurélien.
Ce passage nous mena sur la belle arête faitière de laquelle nous pouvions désormais apercevoir le lac du Pavé et son minuscule refuge dans lequel nous avions dormi en 2011. L’arête se poursuit sur quelques mètres avant d’atteindre un premier relais. Pour y accéder, Aurélien nous a d’abord assuré depuis l’arrière. Drôle d’impression pour moi de me savoir sécurisé de cette manière ! Si Olivier a passé sans trop d’effort le court surplomb sommital, j’ai préféré laisser partir Aurélien et attendre qu’il m’assure depuis le prochain relais.
Effet psychologique sans doute, toujours est-il que ce surplomb m’a paru moins difficile assuré de la sorte. La descente en plusieurs rappels dans la voie de montée ne posa ensuite pas de problème et nous franchîmes la rimaye du glacier supérieur des Agneaux plus aisément qu’à l’aller. Une fois sorti des difficultés, Aurélien nous faussa compagnie pour la bonne cause : il allait préparer le repas du soir, composé rien de moins que d’un bourguignon qui m’empêcha de m’endormir tant j’en avais repris !
Olivier et moi-même étions sceptiques quant à l’ascension de l’arête Sud de la Grande Ruine le lendemain, la montée au refuge puis cette belle grimpe ayant tout de même un peu entamé nos réserves. Il restait « au pire » la voie normale, pas vraiment en condition à cette époque de l’année…
Beau récit pour partager une belle sortie . Merci.